Page:Tellier - Nos poètes, 1888.djvu/18

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tredit. Jamais il ne voit autre chose dans le tombeau qu’« une nuit sans aurore[1] ». Jamais il n’a l’idée seulement d’espérer rien de l’au-delà, sinon le divin repos. Il reste partout fidèle à la double conviction que cette vie est tout, et qu’elle est mauvaise. Et par là, sans avoir traité jamais de sujets contemporains, ni cherché à séduire les foules, il est plus « moderne » pourtant et plus voisin de nous, que ce Hugo qui se paya de tant d’illusions et de rêves. Ses poèmes ont (sans parler du reste) une double supériorité sur ceux de la Légende. D’abord, ils sont vraiment des poèmes historiques, et ceux de la Légende ne sont que des symboles. Puis, même à les considérer comme des symboles, ils nous intéressent plus que ceux de la Légende, qui ne sont que cela. Le Qaïn est sûrement un poème plus oriental et biblique que la Conscience ; et il est sûr aussi qu’il est d’une pensée autrement hardie et forte. Lisez-le dix fois. Vers la dixième, quand votre œil se sera fait à l’orgie des couleurs, et votre oreille au fracas des sons, vous commencerez d’y discerner une des plus hautes protestations que l’humanité ait fait entendre contre l’existence du mal moral. Et, puisqu’il contient, ce poème, tant de choses en vingt pages, puisqu’il

  1. Si l’aurore… (Poèmes tragiques).