Page:Tellier - Nos poètes, 1888.djvu/30

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Ah ! tout cela, jeunesse, amour, joie et pensée,
Chants de la mer et des forêts, souffles du ciel
Emportant à plein vol l’Espérance insensée,
Qu’est-ce que tout cela, qui n’est pas éternel ?

Soit ! la poussière humaine en proie au temps rapide,
Ses voluptés, ses pleurs, ses combats, ses remords,
Les dieux qu’elle a conçus, et l’univers stupide
Ne valent pas la paix impassible des morts[1].

Le poète s’obstine à son amour de mourir. Mais voyez-vous comme il se trahit maintenant, et laisse voir le fond de cet amour ? Saisissez-vous ce qu’il y a de tristesse dans ce « Soit », et de regrets mal étouffés ? Comprenez-vous que ce n’est qu’à force d’horreur pour la mort qu’il se résigne à l’aimer ? C’est le même profond mélange de sentiments qui donne à ces autres vers une si magnifique éloquence :

Je vous salue au bord de la tombe éternelle,
Rêve stérile, espoir aveugle, désir vain,
Mirages éclatants du mensonge divin
Que l’heure irrésistible emporte sur son aile !

Puisqu’il n’est par delà nos moments révolus,
Que l’immuable oubli de nos mille chimères,
À quoi bon se troubler des choses éphémères ?
À quoi bon le souci d’être ou de n’être plus ?

  1. L’Illusion suprême.