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44 LES ÉCRIVAINS D’AUJOURD’HUI


des Épreuves n’est point un poète ; et je m’en afflige. Il ne faut rien tant dédaigner. On peut, certes, faire de beaux vers sans idées (et nul n’admire plus que moi, vous l’avez vu, l’œuvre ingénue et magnifique de M. de Banville). Mais on peut aussi avoir des idées, et faire des vers qui méritent qu’on s’y arrête. Virgile savait sa philosophie. Il avait étudié sous Siron. C’était une manière de Normalien. On l’appellerait a pion » par le temps qui court. Il a tout de même laissé des hexamètres passables.

  Mais les jeunes lyriques protestent. « Les vers ne sont point faits pour dire quelque chose. C’est rabaisser la divine poésie que l’employer à un office. Elle se suffit à elle-même. » Et eux, sont-ils tant sûrs de ne rien dire ? Pour vide que semble leur poésie, elle a pourtant une matière et un fond. Chez tel, dont les vers ne paraissent d’abord qu’un bruit, vous trouverez, en y prenant garde, des sensualités perverses, des rêves de Néron ou d’Héliogabale. Ceux qui ont de tels rêves pourront bien s’intéressera ces vers pour ce qu’ils disent, pour autre chose que les vers mêmes... Que les jeunes lyriques ne se flattent pas de cette illusion qu’ils ne disent rien ! Ils disent tout bonnement des choses moins nobles que M. Sully, ou moins intéres-