Page:Termier - Marcel Bertrand, 1908.djvu/45

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point, les étoiles se hâtent éperdument : toute cette vision, un peu nuageuse, un peu sibylline, où il y a de la fumée et des éclairs, des tonnerres et de grands silences, des pluies diluviennes et des fêtes de soleil, des jours et des nuits aux longueurs démesurées, et qui rappelle une Légende des Siècles à laquelle l’Homme manquerait, toute cette vision, dis-je, est restée dans son esprit, a dominé son travail, a hanté ses rêves. Et personne, mieux que lui, n’a compris Eduard Suess. Il le comprenait et le complétait. Il était comme un autre Suess, resté en contact avec le terrain, demeuré le familier de la montagne, et apportant à son ami de Vienne, dans leur collaboration splendide à l’Histoire de la Terre, le trésor de ses observations personnelles, et cette implacable précision dans l’énoncé et dans la discussion des problèmes et des résultats qui est une qualité toute française. Suess a beaucoup aimé Marcel Bertrand, sachant bien qu’il lui devait d’avoir été mieux connu, plus apprécié et plus admiré à Paris qu’à Vienne, et donc qu’il avait reçu par lui la bonne moitié de sa gloire ; mais, pour savoir à quel point cette amitié a été réciproque, et combien Marcel Bertrand a aimé Eduard Suess, il faut relire la magnifique préface qu’il a écrite en 1897 pour le premier volume de l’édition française de la Face de la Terre. Dans cette préface, qui est un hymne à la gloire de Suess, et dont la forme est tout à la fois éclatante et précise, l’admiration, la reconnaissance et une sorte de dilection quasi filiale se fondent harmonieusement : et jamais l’on ne parlera mieux, avec plus de science et plus d’art, avec plus de concision et plus d’enthousiasme, avec une logique plus serrée et une poésie plus entraînante, du renouvellement de la Géologie par l’apparition de l’Antlitz der Erde.

« Les personnalités de cette étonnante espèce sont des mamelles pour un grand nombre. » Cette formule,