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LA FRANCE SOCIALISTE

révolution et que le prolétariat impose sa domination par l’écrasement de la bourgeoisie.

Toutes les sociétés antérieures, nous venons de le voir, ont reposé sur l’antagonisme de la classe oppressive et de la classe opprimée. Mais pour pouvoir opprimer une classe, il faut au moins lui garantir les conditions d’existence qui lui permettent de vivre en esclave. Le serf, en pleine féodalité, parvenait à se faire membre de la Commune ; le bourgeois embryonnaire du moyen âge atteignait la position de bourgeois, sous le joug de l’absolutisme féodal. L’ouvrier moderne, au contraire, au lieu de s’élever avec le progrès de l’industrie, descend toujours plus bas, au-dessous même du niveau des conditions vitales de sa propre classe. Le travailleur tombe à la charge de la société, et le paupérisme s’accroît plus rapidement encore que la population et la richesse. Il est donc manifeste que la bourgeoisie est incapable de remplir le rôle de classe régnante et d’imposer à la société, comme loi suprême, les conditions d’existence de sa classe. Elle ne peut plus régner, parce qu’elle ne peut plus assurer l’existence à son esclave, même dans les conditions de son esclavage, parce qu’elle est obligée de le laisser tomber dans une situation si précaire qu’elle doit le nourrir au lieu d’en être nourri. La société ne peut plus exister sous sa domination, ce qui revient à dire que son existence est désormais incompatible avec celle de la société.

La condition essentielle d’existence et de suprématie pour la classe bourgeoise est l’accumulation de la richesse dans des mains privées, la formation et l’accroissement du capital ; la condition du capital est le salariat. Le salariat repose exclusivement sur la