Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 1.djvu/122

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été accordée pour le moment à Moïse. Le Seigneur incitait le serviteur lui-même à solliciter cette grâce. « Livre à mon courroux un libre cours, dit-il, et je les exterminerai, » afin que le prophète, en s’offrant lui-même, retînt le bras prêt à frapper, et que l’univers apprît par cet exemple quel est le pouvoir du juste sur Dieu lui-même.

XXVII. Pour en finir d’un mot avec toutes les faiblesses, indignités ou abaissements que vous allez recueillant çà et là, dans le but de décrier le Créateur, je vous opposerai un simple et irrésistible argument. Dieu n’a pu descendre parmi les hommes d’une manière visible, sans prendre les organes et les affections de l’humanité, voile protecteur sous lequel il tempérait les rayons de la majesté divine que n’aurait pu supporter notre faiblesse. Organes, affections indignes de lui, j’en conviens, mais nécessaires à l’homme, et par là même dignes de la divinité, parce que rien n’est si digne de Dieu que le salut de l’homme. J’insisterais davantage sur cette matière, si j’avais à la discuter avec des idolâtres, quoique, à vrai dire, du paganisme à l’hérésie, la distance soit légère. Toutefois, puisque vous croyez que Dieu a revêtu une chair fantastique, et n’a passé qu’en apparence par tous les degrés de la condition humaine, il ne nous faudra pas de longs arguments pour vous persuader que Dieu soit conforme à notre humanité. Les articles de votre foi serviront eux-mêmes à vous convaincre.

En effet, si le Dieu, et le Dieu le plus sublime, n’a pas rougi d’abaisser la bailleur de sa majesté jusqu’à se soumettre à la mort et à la mort de la croix, pourquoi ne permettriez-vous pas au nôtre quelques abaissements, auxquels la raison se prête plus volontiers qu’à cette série d’outrages judaïques qui aboutissent à un gibet et à un tombeau ! Ces humiliations si décriées n’établissent-elles pas la présomption que le Christ livré aux passions humaines est le Fils de ce Dieu auquel vous reprochez les faiblesses de l’humanité ? Nous tenons pour certain, nous, que le Christ