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VI
VIE DE TERTULLIEN.

magistrats persécuteurs ; or, la persécution était alors allumée à Carthage et non à Rome. Il ne nomme jamais le sénat ni les dignités de Rome. Il se sert des termes de praesides et de proconsul qui distinguaient les magistrats ou gouverneurs de provinces. Le mot civitas, qu’il emploie plusieurs fois pour désigner la ville où il demeurait, convient encore à Carthage, mais point du tout à Rome, pour laquelle était consacré celui d’urbs, la ville par excellence.

Les deux Livres aux Nations ne sont guère que l’esquisse de l’Apologétique ; c’est dire qu’ils n’ont ni l’élévation, ni la grandeur de ce beau monument. Ils nous sont parvenus, le dernier livre surtout, mutilés et incomplets. Mais, quoique défectueux, ils sont d’un grand secours aux traducteurs et aux commentateurs, pour réformer un grand nombre de, passages corrompus. Quelle autorité peut inspirer autant de confiance que Tertullien, se corrigeant ou s’expliquant lui-même dans cet ouvrage.

Le Témoignage de l’âme, l’Épître aux Confesseurs, le Scorpiaque, dirigés contre les Gnostiques, les Valentiniens et les Caïnistes ; le livre contre les Spectacles ; les deux qui sont intitulés, le, premier, du Vêtement des femmes, et le second, de l’Ornement des femmes, et enfin le traité sur l’Idolâtrie, sont le dernier anneau qui rattache Tertullien à la communion de l’Église catholique. Encore ne l’assurons-nous que bien timidement du traité, de l’Idolâtrie. Tertullien s’y exprime avec une rigueur inexorable et y parle en maître, comme s’il était à lui seul l’arbitre de l’Église. Il n’était pas Montaniste quand il le composa ; mais peut-être faut-il le reporter à l’époque où il abandonna la secte qu’il avait embrassée, pour créer une secte plus exaltée encore.

Le prêtre de Carthage avait mérité les bénédictions et la reconnaissance de toutes les Églises, par la profondeur de son génie et la solidité de ses raisonnements. Ses ouvrages étaient dans toutes les mains, lus, médités, encourageant les forts et soutenant les faibles. Son nom se confondait avec celui d’Apologiste du christianisme. Par quelle fatalité le docteur de la foi aima-t-il mieux perdre sa couronne que de persévérer jusqu’au terme du pèlerinage ? Lorsque les Pères de l’Église, ses contemporains ou ses successeurs, interrogent les causes de cette lamentable chute, ils insinuent que la Religion n’a pas besoin du