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VIII
VIE DE TERTULLIEN.


vons comment caractériser, se persuada, ou essaya de se persuader qu’il n’était rien moins que l’Esprit saint. Lorsque l’on cherche par quels raisonnements il parvint à cette ridicule illusion, on trouve à ce sectaire quelque ressemblance avec nos réformateurs et les utopistes de notre époque. Il prétendait que Dieu n’ayant point voulu manifester tout d’un coup les desseins de sa providence sur le genre humain, ne lui dispensait que par degrés et avec une sorte d’économie les vérités et les préceptes qui devaient l’élever à la perfection. Ainsi d’abord il donne des lois aux Israélites, qu’il invite à la soumission par la sanction des châtiments ou par l’attrait des récompenses. Il envoie ensuite des prophètes qui élèvent l’intelligence de son peuple. Après les prophètes, arrive la révélation beaucoup plus complète de Jésus-Christ. Mais le Rédempteur ne dissimulait point à ses disciples qu’il réservait pour d’autres moments les vérités importantes qu’ils n’étaient pas encore capables de porter. D’où viendra cette seconde révélation ? du Paraclet, que le Sauveur, montant aux cieux, promit à la terre. Montan se dit : Ce Paraclet, c’est moi.

Nos fondateurs de religions modernes n’ont pas, comme on le voit, le mérite de la découverte en fait d’audace et d’extravagance. Montan lui-même ne fut qu’un imitateur. Pour justifier sa mission, il feignit les extases, affecta l’enthousiasme, parut agité de mouvements extraordinaires. Ce n’était point assez d’éblouir les yeux, il fallait frapper l’intelligence. Il prêcha une morale plus pure et plus parfaite, disait-il, que celle de l’Église. L’Église pardonnait aux pécheurs publics, lorsqu’ils avaient accompli la pénitence imposée ; Montan déclara qu’il y avait des prévarications irrémissibles. L’Église imposait un Carême et différents jeûnes ; Montan prescrivit trois carêmes, beaucoup de jeûnes extraordinaires, en outre deux semaines d’abstinence. L’Église ne condamnait pas les secondes noces ; Montan les appela de véritables adultères déguisés. L’Église n’avait jamais regardé comme un crime de fuir la persécution ; Montan vit une apostasie dans la fuite, ou dans toute mesure qui avait pour but de se dérober aux recherches des persécuteurs.

Ce pompeux étalage de rigorisme reçut bien quelque démenti. L’histoire affirme que le prétendu Paraclet n’avait pas des mœurs aussi sévères que l’annonçait sa doctrine, de sorte