Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 1.djvu/243

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mépris pour la loi ? A qui pourras-tu persuader qu’étrangère à un Dieu dont elle n’avait pas la moindre idée, et non encore initiée à l’Evangile nouveau, elle enfreignît brusquement des préceptes qui l’obligeaient encore ? Mais en vertu de quelle foi cette désobéissance ? En quel Dieu croyait-elle ? Sur qui tombait son mépris ? sur le Créateur ? Car certainement c’est la foi qui conduisit sa main. Si c’est la foi au Créateur qui la conduisait, puis qu’elle ignorait un autre Dieu, comment alors viola-t-elle sa loi ? Criminelle envers la loi, elle n’a pu l’être que par sa foi au Créateur. Ici, nouvelle difficulté : comment accorder le respect qui conseille la soumission, avec la violence qui transgresse ? Je vais te le dire. Sa foi, c’était la conviction que « son Dieu préférait, la miséricorde au sacrifice ; » c’était la certitude que son Dieu agissait par l’entremise du Christ. Avec ces sentiments, elle ne toucha point le Sauveur comme un juste, ni comme un prophète accessible à la souillure par son humanité, mais comme un Dieu que sa foi lui montrait au-dessus de toute atteinte corruptrice. Elle interpréta donc sagement en sa faveur les prohibitions de la loi qui n’attachaient d’impureté légale qu’aux choses qui pouvaient être souillées, mais non à Dieu qu’elle contemplait dans son Christ. Elle se rappela que ces mêmes prohibitions n’avaient en vue que le flux de sang qui accompagne la souffrance de chaque mois et l’enfantement, dans les opérations régulières de la nature, mais non dans ses aberrations. Elle savait donc bien que son état de santé n’était pas limité à un temps, mais réclamait le secours de sa divine miséricorde. A ce titre, on peut, dire qu’au lieu d’avoir violé la loi, elle en a sagement distingué les prescriptions. Telle sera sa foi qui lui avait communiqué aussi l’intelligence. « Si vous ne croyez pas, dit-il, vous ne comprendrez pas. » Le Christ, en approuvant la foi de cette femme qui ne croyait qu’au Créateur, se déclara, par sa réponse, le Dieu de la foi qu’il approuva.