Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 1.djvu/385

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charnelle qui ressemblât à la chair pécheresse, sans pécher comme elle, néanmoins. La puissance de Dieu consiste à consommer le salut par le moyen d’une substance semblable. Que l’Esprit de Dieu sauvât la chair, la merveille n’était pas grande. Mais qu’une chair semblable à celle qui pèche, véritable chair, quoique sans péché, sauvât toute chair, là était le prodige. La ressemblance portera donc sur le signe du péché, mais non sur le mensonge de la substance. L’Apôtre n’aurait pas ajouté du péché, s’il eût voulu que cette ressemblance fût un démenti donné à la réalité de la chair. Il se serait contenté de dire la chair, sans y ajouter du péché ; mais, par cette construction, de la chair du péché, il confirma la réalité de la substance, c’est-à-dire la chair, et il appliqua la ressemblance à la corruption de la substance, c’est-à-dire au péché.

Mais je le l’accorde. Appliquons à la substance elle-même cette ressemblance ; la réalité de la chair n’en sera pas plus ébranlée. Pourquoi donc est-elle véritable dans sa ressemblance ? Parce qu’elle est véritable sans doute, mais formée sans le concours de l’homme ; semblable dans les éléments, mais véritable par sa formation, et non dissemblable. Au reste, point d’assimilation entre des choses opposées. Un esprit ne s’appellera point une ressemblance de la chair, parce que la matière ne comporte aucune ressemblance avec l’esprit. Un être sans réalité que l’on aperçoit est tout simplement un fantôme. Mais on dit qu’il y a ressemblance lorsque l’être aperçu est réel. Il existe en effet, puisqu’on le compare à un autre. Mais un fantôme, par la même qu’il n’est qu’un fantôme, n’est pas une ressemblance. Et ici l’Apôtre en nous interdisant de vivre selon la chair, quoique retenus encore dans les liens de la chair, nous prouve par les mots suivants qu’il a entendu les œuvres de la chair : « La chair et le sang ne peuvent obtenir le royaume de Dieu. » Ce n’est donc pas la substance qu’il condamne, mais les œuvres exécutées librement