Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 1.djvu/425

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

d’être plus habiles que leur maître, accordent à Jésus-Christ une chair véritable, tout en lui refusant une naissance réelle. Qu’il ait eu, disent-ils, un corps de chair, pourvu que ce corps ne soit pas né. Nous voilà donc tombés de mal en pire, comme s’exprime le proverbe, de Marcion nous voilà parvenus jusqu’au transfuge de Marcion, Apelles, qui, après s’être laissé corrompre dans sa chair par une femme, se laissa troubler ensuite l’esprit par la vierge Philumène, de laquelle il apprit à prêcher que le corps de Jésus-Christ était un corps véritable, mais un corps sans naissance. Certes, à cet ange de Philumène, l’Apôtre répondra par les mêmes paroles qui dans sa bouche l’annonçaient prophétiquement : « Quand même un ange descendrait du ciel pour vous apporter un autre Evangile que le nôtre, qu’il soit anathème ! »

Mais nous avons maintenant à combattre les arguments développés plus haut. Ils avouent que Jésus-Christ a eu véritablement un corps. Mais d’où en vient la matière, sinon de la qualité visible dans lui ? D’où vient le corps, si le corps n’est pas de chair ? D’où vient la chair, si elle n’est pas née, puisque cette chair, qui ne se voit pas encore, n’existe que par la naissance ?


« Le Christ, disent-ils, a emprunté sa chair aux astres et aux substances du monde supérieur. De là, il ne faut pas s’étonner, ajoutent-ils, qu’un corps ne soit pas né, puisque les anges, selon nous, ont pu se montrer avec une chair qui n’a pas été formée dans le sein de la femme. »


Le fait est ainsi rapporté, nous le reconnaissons. Mais par quel étrange renversement d’idées une foi différente peut-elle emprunter une autorité pour ses arguments à une foi qu’elle combat ? Qu’a de commun avec Moïse celui qui rejette le Dieu de Moïse ? Si le Dieu de Moïse est différent, qu’on lui laisse ses règles et ses preuves ! Que les hérétiques, autant qu’ils sont, appellent à leur secours les Ecritures de ce même Dieu qui a fait le monde