Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 1.djvu/512

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rapporte sur ses épaules la chair et l’ame de sa brebis, c’est-à-dire l’animal tout entier, cet exemple nous figure le rétablissement de l’homme dans sa double substance. Combien il serait indigne de la majesté divine de ne mettre en possession du salut que la moitié de l’homme, et d’accorder avec parcimonie, tandis que la munificence des princes de la terre eux-mêmes est toujours complète ! Eh quoi ! le démon sera-t-il plus puissant pour perdre l’homme en le brisant tout entier, que Dieu ne sera puissant à le rétablir tout entier ? L’Apôtre dit cependant : « Où il y a eu abondance de péché, il v a eu aussi surabondance de grâce. » Enfin comment pourra-t-on regarder comme sauvé celui qui d’autre part pourra aussi être censé perdu, perdu dans sa chair, sauvé dans son âme, sinon parce qu’il faut nécessairement repu ter l’ame perdue en ce moment, afin qu’elle puisse acquérir le salut ? Car c’est seulement ce qui est perdu qui doit recevoir le salut. Toutefois telle est notre manière de concevoir l’immortalité de l’âme, que quand l’ame se perd, elle se perd non pour mourir, mais pour être livrée aux supplices de l’enfer. S’il en est ainsi, le salut ne concernera donc plus l’âme, puisqu’elle est sauvée par sa nature, en vertu de son immortalité, mais plutôt la chair que tout le monde reconnaît comme périssable.

Ou bien si l’âme est également périssable, c’est-à-dire si elle n’est pas plus immortelle que la chair, le principe devra profiler également à la chair, en sa qualité de mortelle et de périssable, puisque le Seigneur accorde le salut à ce qui périt. Je ne veux pas dans ce moment discuter avec subtilité dans laquelle des deux substances l’homme est perdu ; il me suffit que le salut soit promis à l’une et à l’autre, également distribué entre chacune d’elles. En effet, quelle que soit la substance dans laquelle tu veux que l’homme meure, voilà qu’il ne meurt pas dans l’autre. Il sera donc sauvé dans la substance où il ne périt pas, et sauvé encore dans la substance où il périt. Par là tu possèdes