Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 1.djvu/74

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la condamner originairement. Une régénération de l’homme ? Mais on ne régénère que quand on a engendré. Point de réitération à qui n’a pas agi une première fois. La réception de l’Esprit saint ? Comment conférera-t-il l’Esprit saint, celui qui n’a pas donné l’ame dans le principe ? L’ame est, en quelque façon, le complément de l’esprit. Que fait-il donc ? Il marque de son signe l’homme dont l’empreinte divine n’a jamais été brisée chez lui ; il lave dans son baptême l’homme qui n’a jamais contracté de souillure chez lui ; enfin, dans ce sacrement, où réside le salut tout entier, il plonge une chair déshéritée du salut. Demandez à l’agriculteur d’arroser une terre qui ne lui rapportera aucun fruit, il s’en gardera bien, à moins d’être aussi insensé que le dieu de Marcion. Pourquoi donc imposer à une chair si faible ou si indigne, le fardeau ou la gloire d’une si grande sainteté ? Mais que dire de l’inutilité d’une loi qui sanctifie une ame déjà sainte ? Encore un coup, pourquoi charger une chair faible ? Pourquoi orner une chair indigne ? Pourquoi ne pas récompenser par le salut cette faiblesse qu’on écrase, cette indignité qu’on embellit ? pourquoi frustrer la chair du salaire de ses œuvres en l’excluant du salut ? pourquoi, enfin, laisser mourir avec elle l’honneur de la sainteté ?

XXIX. Le dieu de Marcion ne reçoit au baptême que des vierges, des veuves, des célibataires ou des personnes mariées et qui se séparent comme si tous ceux-ci n’étaient pas le fruit de l’union conjugale. Cette institution a son origine apparemment dans la réprobation du mariage. Examinons si elle est juste ; examinons-la, non pas pour rabaisser, à Dieu ne plaise, le mérite de la chasteté avec quelques Nicolaïtes, apologistes de la volupté et de la luxure ; mais comme il convient à des hommes qui connaissent la chasteté, l’embrassent, la préconisent, sans toutefois condamner le mariage. Ce n’est pas un bien que nous préférions à un mal, mais un mieux que nous préférons à un bien. En effet, nous ne rejetons pas le fardeau du mariage,