Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 1.djvu/75

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nous le déposons. Nous ne prescrivons pas la continence, nous la conseillons. Libre à chacun de suivre le bien ou le mieux, selon le degré de ses forces ; mais nous nous déclarerons les intrépides défenseurs du mariage, toutes les fois que des bouches impies le flétriront : du nom d’impureté, afin de diffamer par là le Créateur qui a béni l’union de l’homme et de la femme dans des vues honnêtes, pour l’accroissement du genre humain, comme il a béni le reste de la création qu’il a destinée à des usages bons et sains. Condamnera-t-on les aliments, parce que trop souvent, apprêtés à grands frais, ils excitent la gourmandise ? Faudra-t-il renoncer aux vêtements, parce que plus riches ils enflent d’orgueil par le luxe ? De même, les rapports du mariage ne seront pas repoussés avec mépris par la raison que l’ardeur des sens s’y enflamme. Il y a une grande différence entre la cause et la faute, entre l’usage et l’excès. Gardons l’usage ; mais l’abus, réprouvons-le, selon l’intention primitive du législateur lui-même qui, s’il a dit d’une part : « Croissez et multipliez, » de l’autre, a rendu cet oracle : « Tu ne commettras point d’adultère ; ---- Tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain ; ----- Seront punis de mort l’inceste, le sacrilège et ces passions monstrueuses qui précipitent l’homme sur l’homme et sur les animaux. »

Mais si des bornes sont imposées au mariage, qu’une sagesse toute spirituelle, émanée du Paraclet, limite chez nous à une seule union contractée selon le Seigneur ; c’est que la même autorité qui avait jadis lâché les rênes les a resserrées aujourd’hui. A la main qui avait déployé la voile de la retenir. A qui avait, planté la forêt de l’abattre ; enfin, à qui avait semé la moisson de la recueillir. La même bouche qui avait dit autrefois : « Croissez et multipliez, » dira aujourd’hui : « Il faut que ceux qui ont des épouses soient comme s’ils n’en avaient point. » La fin appartient à celui qui a fait le commencement ; toutefois abat-on la forêt parce qu’elle est coupable ? Le laboureur