Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 1.djvu/94

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l’ame, indique assez qu’elle a été créée dans un degré d’infériorité.

— « Eh bien ! voilà que vous donnez à l’aine une faiblesse que vous lui refusiez tout à l’heure. »

— Alors que tu prétends l’égaler à Dieu, c’est-à-dire la faire exempte de péché, je soutiens qu’elle est faible. Mais s’agit-il de la rapprocher de l’ange ? je suis forcé de rétablir dans sa prééminence ce roi de la création que les anges s’empressent de servir ; il y a plus, « qui jugera les anges au dernier jour, » s’il persévère dans la loi de Dieu, ce qu’il n’a pas voulu dans l’origine. Le souffle de Dieu a donc pu prévariquer. Il l’a pu, mais il ne l’a point dû. Il l’a pu par l’infirmité de sa substance, souffle qu’il était et non pas esprit. Mais il ne le devait pas en vertu de son libre arbitre, en tant qu’il était libre et non esclave.

Outre cette liberté, il avait encore la menace de la mort, nouvel appui offert à sa fragilité, pour gouverner la liberté de ses décisions. Ainsi, que l’ame ait péché, on peut dire que ce n’est point par son principe qui l’assimile à Dieu, mais par son libre arbitre associé à cette substance, faculté que Dieu lui avait accordée avec une haute sagesse, mais que l’homme a inclinée du côté où il l’a voulu. Si tel est l’état des choses, les plans du Créateur demeurent justifiés du reproche de mal. Le libre arbitre ne rejettera plus la faute sur l’auteur de qui il émane, mais sur la créature qui en a perverti l’usage. En un mot, quel mal attribuer au Créateur ? La prévarication de l’homme ? Mais ce qui appartient à celui-ci n’appartient point à Dieu : on ne peut considérer comme auteur du délit celui qui le défend, je n’ai pas dit assez, celui qui le condamne. Si la mort est un mal, il faut en rejeter l’odieux non sur celui qui a dit : « Vous mourrez, » mais sur le téméraire qui a bravé cette menace, En méprisant la mort, il créa la mort. Sans son mépris, elle n’eût jamais existé.

X. Vainement, on reporterait de l’homme au démon l’œuvre du mal, comme ayant été l’instigateur de la prévarication,