Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 2.djvu/125

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d’orgueilleuses maximes. Non ! viens ici dans toute la rudesse, dans toute la simplicité de ton ignorance primitive, telle que te possèdent ceux qui n’ont que toi, âme empruntée à la voie publique, au carrefour, à l’atelier. Il me faut ton inexpérience, puisque personne ne croit plus à ton habileté, si petite qu’elle soit. Je ne te demande que ce que tu apportes avec toi à l’homme, que tu le doives à ton propre fonds, ou que tu le reçoives de ton auteur, n’importe lequel. Tu n’es pas chrétienne, que je sache ; car tu as coutume de devenir et non de naître chrétienne. Toutefois les Chrétiens requièrent aujourd’hui ton témoignage ; étrangère, dépose contre les tiens, afin que les hommes qui nous persécutent et nous méprisent rougissent pour toi d’une doctrine dont tu es complice.

II. On s’emporte contre nous quand nous prêchons un Dieu essentiellement un, de qui tout vient, de qui tout dépend. Parle ; n’est-ce pas là ta foi à toi-même ? En effet, combien de fois publiquement et avec cette liberté qu’on nous ravit, ne t’avons-nous pas entendu t’écrier, soit à la maison, soit au dehors, « s’il plaît à Dieu ! si Dieu l’ordonne ! » Par ces paroles, tu proclames un être souverain, tu reconnais une suprême puissance dans la volonté de celui que tu implores ; en même temps, dès que tu appelles par leurs noms Saturne, Jupiter, Mars, Minerve, tu nies l’existence de ces dieux, tu établis l’unité de Dieu en le nommant seulement Dieu, de sorte que, lorsqu’il t’arrive d’appeler les autres des dieux, tu sembles n’avoir employé ce mot que comme une monnaie étrangère et d’emprunt. La nature du Dieu que nous prêchons ne t’échappe pas davantage : « Dieu bon ! Dieu bienfaisant ! » Voilà ton cri, « Mais l’homme est méchant, » ajoutes-tu aussitôt ; c’est-à-dire que, par une proposition contraire et sous une allusion détournée, tu reproches à l’homme de devenir méchant du moment qu’il s’éloigne du Dieu bon. Ce mot, « Que Dieu vous bénisse, » qui, chez le Dieu de toute bonté et de toute miséricorde, comprend toutes les