Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 2.djvu/126

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bénédictions, sacrement auguste de notre discipline et de notre vie, tu le prononces aussi volontiers qu’il est nécessaire à un chrétien. Alors même que tu convertis la bénédiction en malédiction, en proférant le mot de Dieu, tu témoignes encore avec nous que sa toute-puissance s’exerce sur tout le monde.

Il en est qui, sans nier l’existence de Dieu, lui refusent la faculté de discerner, de juger et de vouloir ; c’est là surtout qu’ils sont en opposition avec nous, qui courons au-devant de cette croyance, par la crainte du jugement qu’annoncent les divins oracles. Ils s’imaginent honorer ainsi la divinité, en la débarrassant des fatigues du gouvernement et des ennuis de la sentence. Ils vont même jusqu’à lui refuser la colère. Si Dieu s’irrite, disent-ils, il est donc corruptible et sujet aux passions humaines. Passionné et corruptible, il peut donc mourir, ce qui répugne à un Dieu. Mais ces mêmes écoles, en confessant ailleurs que l’âme est divine et communiquée par Dieu, réfutent par le témoignage de l’âme elle-même l’opinion qui précède. En effet, si l’âme est divine, ou simplement si elle a été donnée par Dieu, à coup sûr elle connaît son auteur. Si elle le connaît, conséquemment elle le craint, comme on doit craindre un père si auguste. La preuve qu’elle le craint, c’est qu’elle aime mieux son amitié que sa colère. D’où viendrait donc à l’âme cette crainte naturelle envers un Dieu qui n’a pas la volonté de s’irriter ? Comment craindre celui qui est insensible à l’outrage ? que craint-on, si ce n’est la colère ? d’où vient la colère, si ce n’est de l’animadversion ? d’où vient l’animadversion, si ce n’est du jugement ? d’où vient le jugement, si ce n’est de la puissance ? A qui appartient la puissance suprême, si ce n’est à Dieu seul ? Voilà pourquoi, ô âme, en public ou en particulier, sans que personne te raille, sans que personne s’y oppose, tu t’écries : « Dieu le voit ; je remets cette affaire à Dieu ; Dieu me le rendra ; que Dieu décide entre nous. » Où as-tu pris ces paroles, puisque tu n’es