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Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 2.djvu/275

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prouverai que vous vous permettez, et en secret et en public, ce dont vous nous accusez sur un peut-être. En Afrique, on immolait publiquement des enfants à Saturne, jusqu’au proconsulat de Tibère, qui fît attacher les prêtres de ce dieu aux arbres même du temple dont l’ombre couvrait ces affreux sacrifices, comme à autant de croix votives. J’en prends à témoin les soldats de mon pays qui assistèrent le proconsul dans cette exécution. Cependant ces détestables sacrifices se continuent encore dans le secret. Ainsi les Chrétiens ne sont pas les seuls qui vous bravent. Aucun crime n’est entièrement déraciné ; et puis, un dieu change-t-il de mœurs ? Saturne, qui n’a pas épargné ses propres enfants, aurait-il épargné des enfants étrangers que leurs pères et leurs mères venaient d’eux-mêmes lui offrir, et qu’ils caressaient au moment qu’on les immolait., afin que le sacrifice ne fût point troublé par des larmes ? Et cependant qu’il y a loin encore de l’homicide au parricide !

Quant aux Gaulois, c’étaient des hommes qu’ils sacrifiaient à Mercure. Je renvoie à vos théâtres les cruautés de la Tauride. Mais encore aujourd’hui, dans la ville la plus religieuse de l’univers, chez les descendants du pieux Enée, n’adore-t-on pas un Jupiter, que dans ses jeux mêmes on arrose de sang humain ? C’est du sang des criminels, dites-vous : en sont-ils moins des hommes ? N’est-il pas encore plus honteux que ce soit le sang des méchants ? Toujours du moins sont-ce là autant d’homicides. Oh ! quel Jupiter chrétien ! oh ! qu’il est bien le fils unique de son père pour la cruauté !

Mais, puisqu’il importe peu que l’on immole ses enfants par religion ou par caprice, quoique le parricide soit un crime de plus, je m’adresse maintenant au peuple. Combien parmi ceux qui m’entendent, d’hommes altérés du sang chrétien ! Combien de magistrats si intègres pour vous, si rigoureux contre nous ! Combien, à la conscience desquels j’en appellerai, tuent leurs enfants aussitôt qu’ils sont