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Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 2.djvu/284

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c’est de là que l’on arrache vos dieux. On nous relègue dans les îles : et c’est là que ces dieux naissent ou meurent. Si tels sont les éléments de la divinité, vous déifiez donc ceux que vous punissez : les supplices sont des apothéoses. Ce qu’il y a de certain, c’est que vos dieux ne sentent pas plus les insultes et les outrages quand on les fabrique, que les honneurs après qu’ils sont fabriqués.

O impiété ! ô sacrilège ! vous écriez-vous ! — Frémissez, écumez de colère tant qu’il vous plaira. N’est-ce pas vous cependant qui battiez des mains aux paroles de Sénèque, lorsqu’il s’élevait avec encore plus de véhémence et d’amertume contre vos superstitions ? Si nous refusons d’adorer des statues, des images froides et inanimées, qui ressemblent aux morts qu’elles représentent, ce que comprennent si bien les milans, les rats, les araignées, est-ce que notre courage à repousser une erreur si manifeste ne mérite pas plutôt des louanges que des châtiments ? Et pouvons-nous passer pour outrager vos dieux, quand nous sommes certains qu’ils n’existent pas ? Ce qui n’est pas ne souffre de la part de personne, puisqu’il n’est pas.

XIII. —Quoi qu’il en soit, dites-vous, nous les tenons pour dieux. — Mais si vous les tenez pour dieux, pourquoi cette impiété, pourquoi ce sacrilège, pourquoi cette irrévérence dans lesquels on vous surprend tous les jours ? Vous êtes persuadés que ce sont des dieux, et vous les négligez ! Vous les redoutez, et vous les mettez en pièces ! Vous vous constituez leur vengeur, et vous les insultez ! Dites, suis-je un imposteur ?

Premièrement, comme chacun parmi vous porte ses hommages où il lui plaît, ceux que vous n’adorez point, vous les offensez. La préférence pour les uns est un affront pour les autres : on ne choisit qu’en excluant ; vous rejetez donc ceux que vous n’adoptez pas ; vous méprisez ceux que vous répudiez, et vous ne craignez pas leur ressentiment ! Ainsi que nous l’avons énoncé plus haut, c’est le décret du sénat qui a fixé le sort de chacun de ces dieux. Celui