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Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 2.djvu/285

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dont l’homme n’a point voulu, que l’homme a réprouvé par son suffrage, n’a pu être dieu. Ces dieux domestiques que vous appelez lares, vous lès traitez en effet comme des domestiques, vous les vendez, vous les engagez, vous le changez ; hier corbeille pour Saturne, aujourd’hui vase pour Minerve, ils prennent d’autres formes à mesure qu’ils vieillissent, et qu’ils s’usent par les hommages mêmes qu’ils reçoivent ; à mesure qu’ils éprouvent l’impression d’un dieu plus puissant qu’eux, la nécessité. Pour les dieux publics, vous les insultez avec l’autorité du droit public ; ils sont soumis aux impôts, mis à l’enchère ; ils sont au Capitole ou au marché : pour eux, même voix du crieur public, même mode de vente, même registre. Des terres chargées d’impôts perdent de leur prix ; les hommes soumis à la capitation sont avilis, là se trouvent des marques de servitude. Pour vos dieux, plus ils paient d’impôts, plus ils sont honorés ; disons mieux : plus ils sont honorés, plus ils paient d’impôts. On trafique de la divinité. La religion va mendiant par les cabarets : tant pour le droit d’entrer dans les temples, tant pour la place qu’on y occupe ; sans argent, point de connaissance de la divinité ; on ne l’aborde qu’à prix d’or.

Quels honneurs rendez-vous à vos dieux que vous ne rendiez aussi aux morts ? N’élevez-vous pas des autels et des temples aux uns comme aux autres ? mêmes statues, mêmes insignes. Le dieu n’est-il pas ce qu’était ce mort, ne conserve-t-il pas le même âge, le même état, la même profession ? En quoi les repas des morts diffèrent-ils des repas en l’honneur de Jupiter ? le vase des sacrifices, de l’urne funéraire ? l’embaumeur des cadavres, de l’arus-pice ? Un aruspice préside aussi aux cérémonies funèbres. C’est avec raison que vous rendez à vos empereurs morts les honneurs divins qu’ils recevaient de vous pendant leur vie. Vos dieux vous sauront gré, que dis-je ? ils se féliciteront d’avoir leurs maîtres pour collègues. Mais quand vous placez entre les Junon, les Cérès, les Diane, une prostituée