Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 2.djvu/35

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

éprouvé ? « Plût à Dieu, s’écrie-t-il, que ceux qui mettent le trouble parmi vous fussent même retranchés ! » L’indignation est encore raisonnable quand elle a sa source dans l’amour de la loi. Mais quand l’Apôtre dit : « Nous étions autrefois par nature des enfants de colère, » il flétrit comme irraisonnable l’appétit irascible, parce qu’il n’est pas de cette nature qui provient de Dieu, mais de celle qu’a introduite le démon, appelé lui-même chef de son ordre : « Vous ne pouvez pas servir deux maîtres ; » et surnommé lui-même père : « Pour vous, vous êtes du démon votre père, » afin que tu n’aies pas scrupule d’attribuer la propriété de l’autre nature, de la nature postérieure et viciée, à celui que tu vois semer l’ivraie après coup, et vicier pendant la nuit la pureté du froment.

XVII. La question des cinq sens que nous apprenons à connaître avec les premiers éléments, nous intéresse aussi, parce que les hérétiques en tirent quelques arguments : ce sont la vue, l’ouïe, l’odorat, le goût et le toucher. Les académiciens les accusent durement d’infidélité. De ce nombre se trouvent, suivant quelques-uns, Heraclite, Dioclès et Empédocle ; quant à Platon, il est certain que, dans le Timée, il déclare que la faculté sensuelle et irraisonnable varie avec l’opinion. On accuse donc la vue de mensonge, parce qu’elle assure que des rames plongées dans l’eau sont fléchies ou brisées, tandis qu’elle sait bien qu’elles sont entières ; parce qu’elle affirme qu’une tour carrée de loin est ronde ; parce qu’elle trouble les proportions d’un portique en le faisant paraître plus étroit à son extrémité ; parce qu’elle confond le ciel avec la mer, quoiqu’il soit suspendu à une si grande hauteur. De même l’ouïe est convaincue de fausseté. Par exemple, nous prenons pour un bruit venu du ciel le roulement d’un char ; ou bien, si le tonnerre gronde, nous tenons pour certain que c’est un char qui roule. Ainsi de l’odorat et du goût ; les mêmes parfums et les mêmes vins se déprécient ensuite par