Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 2.djvu/38

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la vérité, la fidélité, l’intégrité, parce que leurs relations ne sont pas différentes de ce qu’a ordonné cette raison qui fait que les sens rendent un témoignage opposé à ce qui est dans les choses. Que fais-tu, ô insolente Académie ? Tu détruis tout le fondement de la vie ; tu troubles l’ordre universel de la nature ; tu aveugles la Providence de Dieu lui-même, qui a placé à la tête de toutes ses œuvres pour les comprendre, les habiter, les distribuer et en jouir, les sens, maîtres trompeurs et infidèles ? Quoi donc ? Ne sont-ce pas eux qui gouvernent en seconds toute la création ? N’est-ce pas par eux que le monde a reçu sa seconde forme, tant d’arts, tant d’industries, tant d’études, tant d’affaires, tant de fonctions, de commerces, de remèdes, de conseils, de consolations, d’habillements, de parures et d’ornements ? Ils sont comme la saveur et l’assaisonnement de la vie, puisque c’est par ces mêmes sens que, seul entre tous, l’homme est reconnu pour un être raisonnable, capable de comprendre, fût-ce l’Académie elle-même. Mais Platon, pour récuser le témoignage des sens, fait dire à Socrate, dans le Phèdre, qu’il lui est impossible de se connaître lui-même, comme le lui recommande l’oracle de Delphes[1]. Dans le Théétète, il va jusqu’à se dépouiller de la science et du sentiment. Dans le Phèdre aussi, il ajourne après la mort la connaissance posthume de la vérité[2] ; et lui cependant n’avait pas attendu la mort pour philosopher. Il n’est pas permis, non, il n’est pas permis de révoquer en doute les relations des sens, de peur qu’on ne les accuse d’infidélité jusque dans la personne du Christ ; de peur qu’on ne dise : « Il n’a pas vu réellement Satan précipité du ciel ; il n’a pas entendu réellement

  1. Allusion à ce passage de Platon : Nondum queo secundum Delphicum præceptum meipsum cognoscere. Ridiculum igitur puto cum mea ipse ignorem, aliena perscrutari.
  2. Autre allusion au passage où Platon place des ames qui contemplent la vérité des hauteurs du ciel.