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TERTULLIEN.


lument les feux de la concupiscence ? Ajoutez à cela que la première pensée qui conduit au théâtre, c’est de voir et d’être vu. Quand l’acteur tragique enflera sa voix, le Chrétien se rappellera-t-il les imprécations de quelque prophète ? Au milieu des accents efféminés d’un histrion, repassera-t-il en lui-même les chants du Psalmiste ? Lorsque les athlètes seront aux prises, se dira-t-il qu’il ne faut point rendre la pareille ? Son cœur s’ouvrira-t-il encore à la compassion, quand il se sera rassasié du sang qui coule sous la dent des bêtes féroces, ou qu’essuie l’éponge des gladiateurs ? Grand Dieu ! étouffez dans vos serviteurs le désir de prendre part à des plaisirs si funestes ! Car enfin, quel malheur que de passer de l’Église de Dieu à l’assemblée des démons, des splendeurs du ciel à la fange de la terre ! Quoi ! ces mêmes mains que vous avez élevées vers le Seigneur, les fatiguer le moment d’après à applaudir un bouffon ! Cette même bouche qui a répondu Ainsi soit-il, à la fin du sacrifice, la prostituer à rendre témoignage à un gladiateur ! Dire à tout autre qu’à Dieu et à son Christ : « Dans tous les siècles des siècles ! »

XXVI. Après cela, pourquoi de pareils Chrétiens ne seraient-ils pas ouverts aux incursions des démons ? J’en appelle, Dieu m’est témoin, à l’exemple de cette femme qui, étant allée au théâtre, en revint avec un démon intérieur. On exorcisait l’esprit immonde. Pourquoi as-tu osé t’emparer de cette femme ? lui dit-on avec menace. « N’avais-je pas raison, répondit-il audacieusement, je l’ai trouvée chez moi ? » Une autre femme, le fait est constant, vit en songe un linceul la nuit même du jour où elle était allée entendre un comédien. Le nom de cet acteur retentit souvent à ses oreilles avec des accents de reproche. Cinq jours après elle avait cessé de vivre. Il y a mille exemples pareils de personnes qui, en communiquant avec le démon dans les spectacles, ont perdu le Seigneur ; « car nul ne peut servir deux maîtres. Qu’y a-t-il de commun entre la lumière et les ténèbres, » entre la vie et la mort ? Ana-