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Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 2.djvu/449

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pauvres, dit-il, parce que le royaume du ciel est à ceux qui ne peuvent payer qu’avec leur vie. » Si nous ne pouvons servir à la fois Dieu et Mammon, pouvons-nous être rachetés à la fois par Dieu et par Mammon ? Or, qui servira mieux Mammon que l’homme racheté par Mammon ? Enfin, par quel exemple justifieras-tu ce rachat de la dénonciation ? Quand vois-tu les Apôtres, poursuivis par tant de persécutions, s’en délivrer à prix d’argent ? L’argent néanmoins ne leur manquait pas : on déposait à leurs pieds le prix de ses terres ; des Chrétiens opulents, hommes ou femmes, mettaient entre leurs mains des trésors, ou les aidaient dans leurs nécessités ? A quelle époque Onésiphore, Aquila ou Etienne, leur offrirent-ils jamais une pareille ressource dans les temps de persécution ? Lorsque Félix espérait que les disciples de Paul lui donneraient de l’argent pour leur maître, lorsque ce gouverneur en avait même glissé quelques mots à l’Apôtre, Paul ne donna pas une obole pour soi-même, pas plus que ses disciples pour lui ; ces mêmes disciples qui, le conjurant avec larmes de ne point se rendre à Jérusalem et de se dérober aux supplices qui lui étaient annoncés, finissent par lui dire : « Que la volonté de Dieu soit faite ! » Quelle était cette volonté ? qu’il souffrît pour le nom du Seigneur, et non qu’il se rachetât. Car il faut « qu’à l’exemple du Christ, qui a donné sa vie pour nous, nous donnions la nôtre pour lui, non-seulement pour lui, mais pour nos frères à cause de lui. » Par cet enseignement, Jean ne nous dit pas : Tu paieras pour tes frères, mais : Tu mourras pour eux.

Que t’importe pourquoi tu ne dois ni acheter ni racheter un Chrétien ? Telle est la volonté de Dieu. Regarde la disposition des royaumes et des empires, établie par Dieu, « dans les mains duquel sont lés cœurs des rois ! » Que de ressources pour alimenter tous les jours le trésors public, des cens, des impôts, des cotisations, des douanes ! Jamais ils n’ont songé à exiger des Chrétiens une rançon ni à imposer