Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 2.djvu/47

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détruit l’intelligence, la phthisie la conserve : à plus forte raison, faudra-t-il tenir compte des circonstances qui, en dehors de l’embonpoint ou de la constitution, aiguisent ou émoussent l’esprit : les sciences, les méthodes, les arts, l’expérience, les affaires et les études, l’aiguisent ; l’ignorance, la paresse, la nonchalance, la volupté, l’inexpérience, le repos, le vice, l’émoussent. Ajoutez à toutes ces circonstances, et à d’autres encore, les puissances qui commandent : suivant nous, le Seigneur Dieu et le démon son antagoniste ; suivant l’opinion commune que l’on se fait de la Providence, le Destin, la Nécessité ; ou de la fortune, la liberté du choix. Car les philosophes établissent ici des distinctions ; et nous-mêmes, nous avons déjà discuté selon les règles de la foi chacun de ces articles dans un traité spécial[1]. On voit combien sont nombreuses les influences qui agissent diversement sur la nature unique de l’âme, de sorte que le vulgaire attribue à la nature, des choses qui ne sont pas des propriétés générales, mais de simples dissonnances d’une nature et d’une substance identique, à savoir de celle que Dieu plaça dans Adam et qu’il fit le moule de toutes les autres. Il faut donc y voir les accidents, mais non les propriétés d’une substance unique, si bien que cette variété morale, avec toutes ses modifications présentes, n’était pas aussi grande dans Adam, chef de toute sa race. Autrement toutes ces dissonnances auraient dû se trouver en lui, comme principe de notre nature, et de là descendre avec leur variété jusqu’à nous, s’il y avait eu diversité de nature.

XXI. Si la nature de l’âme fut identique dans Adam, avant tant d’inventions, ce n’est pas par ces inventions qu’elle est devenue multiforme, ni triforme[2], pour renverser

  1. Ce livre que Tertullien annonce sur le Destin est perdu. Fulgence Placiade le mentionne ainsi : Nam et Tertullianus in libro quem de Fato scripsit, ita ait : Redde huic fati primum problematis mancipatum.
  2. Les Valentiniens assignaient à l’ame une triple nature : spirituelle, ou prophétique ; choïque, ou terrestre ; matérielle, ou animale.