Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 2.djvu/46

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déposées en nous et cachées par l’enfance, qui sont l’intellect ; car c’est de là que sortent nos aptitudes. Or, de même que chaque semence a sa forme distinctive et ses développements divers ; que les unes parviennent à maturité ; que les autres répondent encore mieux à la culture, tandis que celles-là dégénèrent d’après les conditions du climat et du sol, en vertu des travaux et des soins, suivant les vicissitudes des saisons, enfin par tous les événements qui peuvent survenir : de même il est permis de croire que l’âme, uniforme dans sa semence, est multiforme dans sa reproduction. Car ici, les lieux ne sont pas indifférents. On dit qu’à Thèbes, les hommes naissent grossiers et stupides ; à Athènes, au contraire, ils apportent à la sagesse et à l’éloquence, un esprit des plus subtils. Dans le bourg de Colyte[1], les enfants à peine âgés d’un mois articulent des mots avec une langue précoce. En effet, Platon affirme dans le Timée, que Minerve, prête à jeter les fondements de cette ville, ne considéra que la nature de la contrée, lui promettant ces aptitudes. Voilà pourquoi lui-même, dans ses Lois, conseille à Mégillus et à Clinias de choisir avec soin l’emplacement de la cité qu’ils voulaient fonder. Empédocle, au contraire, place dans la qualité du sang la cause, d’un esprit subtil ou épais : il fait sortir le perfectionnement et le progrès de la doctrine et de la méthode. Cependant les qualités qui caractérisent les nations font chose proverbiale. Les Comiques se moquent de la timidité des Phrygiens ; Salluste reproche aux Maures leur mobilité, aux Dalmates leur cruauté. L’Apôtre attache lui-même aux Cretois la flétrissure de menteurs. Peut-être aussi le corps et la santé ont-ils quelque influence ; l’embonpoint entrave la sagesse, les formes déliées l’activent ; la paralysie

  1. Colyte était la patrie de Platon. Diogène Laërce assure, dans la Vie de ce philosophe, qu’il parla de très-bonne heure, et que, dans le bourg où il était né, il n’était pas rare d’entendre parler des enfants qui avaient à peine un mois. Il y a évidemment exagération dans ces récits.