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Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 2.djvu/542

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Mais, quoique les adorateurs des dieux reconnaissent eux-mêmes que ces divinités consacrées par les ancêtres, ne méritent pas ce nom, je dois ici répondre à la présomption de ceux qui prétendent que les Romains sont devenus les maîtres du monde, parce qu’ils se sont montrés religieux envers leurs divinités. Voilà donc les magnifiques récompenses qu’accorda aux Romains un Sterculus. Car, pour les dieux étrangers, il n’est pas croyable qu’ils aient préféré les Romains à leurs compatriotes, ni qu’ils aient abandonné à des peuples ennemis la terre où ils ont reçu le jour, où ils ont passé leur vie, où ils se sont signalés et où reposent leurs cendres. Jupiter, par exemple, a-t-il pu oublier sa grotte du mont Ida, et les agréables parfums de sa nourrice ? Junon a-t-elle pu souffrir que Carthage fût renversée par la race d’Enée ? A-t-elle mieux aimé régner sur une terre étrangère et s’asseoir au Capitole, elle qui préférait Carthage à Samos ?

                   C’est là qu’étaient son glaive et son char redouté.
                   Si dans ses longs efforts le Destin la seconde,
                   Ces orgueilleux remparts régneront sur le monde.

Déesse infortunée ! elle n’a pu vaincre les Destins. Et cependant il est certain que jamais les Romains ne leur ont rendu autant d’honneur qu’à Larentina, quoiqu’ils leur aient livré Carthage.

Plusieurs de vos dieux ont régné. Si ce sont eux à présent qui distribuent les royaumes, de qui tenaient-ils les leurs ? Jupiter a régné en Crète, Saturne en Italie, Isis en Égypte. . . . . . Si ce sont les dieux qui ont donné la prééminence à Rome, pourquoi Minerve ne défendit-elle pas Athènes contre les efforts de Xerxès ? Pourquoi Apollon n’arracha-t-il pas Delphes à la main de Pyrrhus ? Quoi ! ils ont conservé l’empire romain sans pouvoir défendre le leur ? Non, la grandeur de Rome n’est pas le prix de son respect pour ces dieux, puisque ce respect est postérieur à