Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 2.djvu/543

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sa grandeur ! Car, quoique Numa soit le premier auteur de vos superstitions, néanmoins vous n’aviez de son temps, ni statues, ni temples pour frustrer de ses hommages le Dieu véritable. La religion était frugale, les cérémonies pauvres : on voyait seulement quelques autels en gazon, des vases grossiers, un peu de fumée qui s’en élevait ; mais le dieu ne paraissait nulle part. En un mot, les Romains n’étaient pas religieux avant d’être grands ; ils ne sont donc pas grands parce qu’ils étaient religieux.

Et d’ailleurs, je le demande, comment seraient-ce le respect des Romains pour les dieux et leurs scrupuleux hommages qui leur auraient valu l’empire, puisque leur empire n’a pu s’accroître que par le mépris des dieux ? En effet, les royaumes et les empires, si je ne me trompe, s’établissent par les guerres, s’agrandissent par les victoires. Or, les guerres et les victoires entraînent nécessairement la ruine des cités. Les cités ne peuvent être ruinées sans que les dieux en souffrent. Les murailles et les temples s’écroulent à la fois ; le sang des prêtres se mêle à celui de leurs concitoyens ; les mêmes mains enlèvent l’or sacré et l’or profane. Ainsi autant de trophées des Romains, autant de sacrilèges ; autant de triomphes sur les peuples, autant de triomphes sur les dieux. Leurs simulacres sont encore captifs. Ces dieux, s’ils sentent quelque chose, n’aiment pas les auteurs de ces outrages. Mais non, on outrage impunément de même que l’on adore vainement des dieux qui ne sentent rien. . . . . . Ainsi, l’on ne peut faire honneur à la religion des Romains de leur grandeur, puisqu’ils n’ont pu s’agrandir qu’en outrageant la religion. Chaque nation a possédé l’empire à son tour, les Assyriens, les Mèdes, les Perses, les Égyptiens. J’en pourrais citer d’autres encore. Cependant ceux qui ont perdu l’empire, l’ont perdu malgré leur religion, leur culte et les hommages par lesquels ils cherchaient à se rendre les dieux propices. . . . . . Toutes les dominations sont tombées l’une après l’autre. Ainsi le veulent les révolutions. . . . . . Cherchez