Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 2.djvu/65

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inaction et des ténèbres, un homme enfin qui s’est pris d’un si profond dégoût pour la lumière ? Mais que dirais-tu, si par hasard il avait surpris ce secret dans quelques histoires inconnues ; s’il avait recueilli quelques souffles de renommée, survivant à cette tradition éteinte ; s’il avait acheté d’avance de quelque gardien du temple l’examen de cette arme ? La magie, nous le savons, peut connaître des choses cachées, par l’intermédiaire des esprits cataboliques[1], parèdres[2], et pythoniques[3]. N’est-ce pas vraisemblablement par ces moyens que prophétisait, ou plutôt que rêvait Phérécyde, le maître de Pythagore ? N’a-t-il pas pu être inspiré par le même démon qui versait le sang dans la personne d’Euphorbe ? Enfin, pourquoi ce philosophe qui avait prouvé par le témoignage d’un bouclier qu’il avait été Euphorbe[4], ne reconnut-il pas également quelqu’un de ses compagnons troyens ? Car eux aussi auraient revécu, si les morts recommençaient à vivre.

XXIX. Quoique les vivants meurent, ce n’est pas une raison pour que les morts recommencent à vivre. Car dès l’origine du monde, les vivants sont venus les premiers : de même, dès le commencement du monde, les morts sont venus

  1. Cataboliques. On appelait de ce nom certains esprits malfaisants qui renversent à terre ceux dont ils s’emparent ( καθα βαλλω ), les agitent jusqu’à les jeter dans des contorsions violentes, et les contraignent, furieux et écumants, de prophétiser. Ces esprits n’étaient pas toujours présents dans le corps du possédé : ils n’y venaient qu’à certains moments et à certaines conditions.
  2. Parèdres. Suivant Eusèbe, c’étaient des esprits qui, semblables à celui de Simon le Magicien, restaient toujours auprès de la victime. Parèdres, de παρεζομαι, en latin assidere.
  3. Pythoniques. Ainsi nommés d’Apollon pythien. Suidas les appelle engastrimythes, ou ventriloques, parce que ces esprits résidant dans la poitrine de l’homme, lui arrachaient des paroles prophétiques.
  4. Euphorbe, soldat troyen, tué par Ménélas au siège de Troie. Le vainqueur consacra sa dépouille dans le temple de Delphes, avec cette inscription : Palladi Minervæ, ab Euphorbo, Menelaüs.