Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 3.djvu/201

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suppose le Fils ; le Fils suppose le Père. Ceux qui naissent réciproquement l’un de l’autre ne peuvent en aucune manière, le Père devenir à lui-même son propre Fils, le Fils devenir à lui-même son propre Père. Ce que Dieu a établi, il le garde. Il faut nécessairement que le Père ait un Fils pour être Père ; il faut nécessairement que le Fils ait un Père pour être Fils. Autre chose est avoir, autre chose être. Pour être mari, par exemple, il faut que j’aie une épouse ; je ne puis être à moi-même mon épouse. De même pour être Père, je devrai avoir un Fils ; je ne serai pas à moi-même mon propre Fils ; et pour être Fils, je devrai avoir un Père ; je ne serai pas à moi-même mon propre Père. Voilà ce qui me constitue tel si je le possède. Je serai Père à la condition d’avoir un Fils ; je serai Fils à la condition d’avoir un Père. Or, si je suis moi-même quelqu’une de ces choses, je n’ai plus dès-lors ce que je serai par moi-même, ni Père, puisque le Père, c’est moi ; ni Fils, puisque le Fils, c’est moi. Mais autant il faut que de ces deux choses j’aie l’une, et que je sois l’autre ; autant, si je suis tout à la fois l’une et l’autre, je ne serai plus l’une des deux, en n’ayant pas l’autre. Si, en effet, je suis le Fils, moi qui suis déjà le Père, dès-lors, je n’ai plus de Fils, puisque c’est moi-même qui le suis. Or, n’ayant pas de Fils, puisque je suis moi-même ce Fils, comment serai-je Père ? Je dois avoir un Fils pour être Père. Je ne suis donc pas Fils, puisque je n’ai pas de Père, condition pour qu’il y ait un Fils. De même, si je suis le Père, moi qui suis déjà le Fils, dès-lors je n’ai plus de Père, puisque je suis moi-même le Père. Or, en n’ayant plus de Père, par la raison que je suis moi-même le Père, comment serai-je Fils ? Je dois avoir un Père pour être Fils. Je ne serai donc pas Père, puisque je n’ai pas de Fils, condition pour être Père. Je reconnais bien ici l’adresse du démon : il exclut l’un par l’autre, lorsque, confondant les deux en un seul, sous le prétexte de maintenir la monarchie, il fait que l’on ne garde ni l’un ni l’autre. En effet, il anéantit le Père,