Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 3.djvu/290

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ces deux coutumes si opposées est plus conforme à la doctrine de Dieu. Par conséquent, il faudra se déterminer pour celle qui voile les vierges, connues de Dieu seul, puisqu’ayant à rechercher leur gloire auprès de Dieu et non des hommes, elles doivent même rougir de leurs avantages. Il est plus facile de troubler une vierge par la louange que par les reproches, parce que le front de la pécheresse, moins facile à s’émouvoir, s’est formé à l’impudence dans le péché et par le péché. Personne, en effet, n’eût approuvé la coutume qui désavoue les vierges en les faisant voir, si quelques hommes ne s’étaient rencontrés semblables à ces vierges elles-mêmes. Des yeux qui veulent voir une vierge ne diffèrent pas des yeux d’une vierge qui désire d’être vue. Ces yeux se souhaitent mutuellement : même convoitise dans l’ardeur de voir et d’être vue. Il est aussi naturel à l’homme chaste de rougir à l’aspect d’une vierge, qu’à la vierge pure de rougir à l’aspect d’un homme.

III. Nos très-saints prédécesseurs n’ont jamais voulu avoir d’égard pour les coutumes. Toutefois, jusqu’à ces derniers jours, l’une et l’autre coutume étaient permises chez nous d’une manière plus supportable. Chaque vierge avait la faculté de se voiler ou de se prostituer, comme maintenant de se marier, ce que personne ne contraint ni ne défend de faire. La vérité se contentait de traiter avec la coutume, afin de jouir secrètement d’elle-même sous ce nom de coutume, ne fût-ce qu’en partie ; mais comme l’intelligence commençait à faire assez de progrès pour que, dans la liberté de ce choix, il fût aisé de reconnaître quel était le meilleur, aussitôt l’ennemi de tout bien, et encore plus de toute institution louable, fit son œuvre. Les vierges des hommes se soulèvent contre les vierges de Dieu, en s’emportant sans pudeur à une audace téméraire. Elles ne laissent pas de se croire vierges en paraissant rechercher la compagnie des hommes. Il y a mieux. Les servantes du Christ, d’autant plus libres qu’