Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 3.djvu/335

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beauté naturelle par la mollesse des habits. En effet, que les ornements lui manquent, la voilà inutile et dépourvue de ses charmes, soldat sans épée, navire sans agrès. An contraire, que la beauté naturelle manque, la vanité, en puisant dans son propre fonds, supplée à son absence par un éclat emprunté. Les âges calmes et paisibles eux-mêmes, déjà abrités dans le port de la modestie, sont ramenés dans l’agitation des tempêtes par ces lueurs perfides, se troublent de désirs inquiets, et s’allument jusque sous la glace des années à ce luxe impudique. Encore une fois, servantes de Jésus-Christ, répudiez avec courage ces embellissements, comme des corrupteurs de la vertu.

En est-il parmi vous que les obligations du rang, de la naissance, d’une grande fortune condamnent à cette magnificence extérieure, comme si elles ne possédaient point encore la sagesse véritable, qu’elles apportent à ce mal tous les tempéraments de la religion, prenant bien garde surtout de lâcher la bride au luxe sous prétexte qu’il est nécessaire. Comment pourrez-vous pratiquer l’humilité dont nous faisons profession, si vous n’imposez un frein à l’usage des richesses et des ornements ? Quel en est le but ? La vaine gloire. Or la vaine gloire s’exalte, mais ne s’humilie jamais.

— Quoi donc ? ne nous sera-t-il plus permis d’user de notre bien ? Qui nous le défend ?

— L’Apôtre, quand il nous avertit « d’user de ce monde comme n’en usant point. Car, ajoute-t-il, la figure de ce monde passe, que ceux qui achètent soient comme ne possédant pas. » Pourquoi cela ? Il avait répondu d’avance à cette interrogation : « Le temps est court. » Si l’Apôtre ordonne aux maris de vivre avec leurs épouses comme s’ils n’en avaient point, que penserait-il des vains ornements dont elles se chargent ? N’est-ce pas pour ce motif et à cause du royaume de Dieu que plusieurs embrassent une virginité perpétuelle, renonçant de leur plein gré à des plaisirs impérieux et dont l’usage pourrait être légitime.