Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 3.djvu/336

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Quelques autres s’interdisent le vin et les viandes, que Dieu a donnés à l’homme pour ses nécessités, et dont il peut user sans péril comme sans remords. Ils sont bien aises d’immoler humblement leur ame à Dieu par les mortifications de la chair. Vous n’avez que trop usé jusqu’ici de votre opulence et de vos délices ; vous n’avez que trop cueilli les fruits de vos grâces naturelles avant de connaître la discipline du salut. « Nous sommes la nation chérie, choisie à la fin des temps. » Dieu nous destinait à la vie avant que le monde fût créé. C’est donc le Seigneur lui-même qui nous apprend à modérer et à retrancher les superfluités mondaines. Circoncision vivante de l’esprit et de la chair, nous immolons le siècle dans notre esprit et notre chair.

X. C’est Dieu apparemment qui enseigna aux hommes le secret de colorer les laines avec le suc de certaines plantes ou la liqueur de certains poissons. Au berceau du monde il avait oublié de créer des brebis de pourpre ou d’écarlate ; voilà pourquoi il imagina ces étoffes précieuses qui, minces et légères en elles-mêmes, sont bien pesantes, si l’on en considère le prix. C’est Dieu qui transforma l’or en ces mille joyaux où s’enchâssent et brillent les pierreries ; c’est Dieu qui mutila vos oreilles par ces magnifiques blessures. C’est Dieu qui, persécuteur de son œuvre, et tyran d’un âge innocent, condamné pour la première fois aux larmes, creusa sur un corps destiné au fer ces douloureuses cicatrices d’où pendront je ne sais quels grains dont le Parthe couvre ses brodequins, en guise de colliers. Cet or lui-même, dont l’éclat vous passionne, quelques peuples s’en servent pour enchaîner les coupables, ainsi que le raconte l’histoire. Tant il est vrai que, loin de devoir leur bonté à leur propre fonds, ces choses n’ont de prix que par leur rareté.

D’ailleurs, à qui remonte leur découverte ? Aux anges pécheurs qui révélèrent aux hommes ces matières inconnues. Puis arrivèrent le travail et l’industrie qui, s’ajoutant