Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 3.djvu/337

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

à la rareté, allumèrent chez les femmes le désir immodéré de les posséder. Si ces mêmes anges, d’après le témoignage d’Enoch, furent condamnés par Dieu pour avoir fait connaître ces matières dangereuses, c’est-à-dire l’or, l’argent et les pierreries ; pour avoir enseigné l’art de les mettre en œuvre, et surtout le secret de colorer le visage, ou de déguiser la laine sous des couleurs mensongères, comment plairons-nous à Dieu, en nous affectionnant à des frivolités qui ont attiré la colère et la vengeance de Dieu sur leurs inventeurs ?

Mais je vous l’accorde. Dieu a mis à notre disposition toutes ces matières ; il en a autorisé l’usage. Isaïe n’a jamais reproché aux filles de « Sion leur pourpre, leurs croissants d’or, leurs colliers tombant en grappes. » Toutefois, n’allons pas nous flatter nous-mêmes, et, trop semblables aux Gentils, nous imaginer que Dieu impose des lois sans ouvrir les yeux sur la manière dont elles sont observées. Ah ! combien il serait plus sage et plus conforme à nos véritables intérêts de penser que, dès le berceau du monde, Dieu répandit sur la terre ces périlleuses richesses pour servir d’épreuve à notre fidélité, afin que la légitimité de l’usage accrût le mérite de la privation ! Voyez les pères de famille les plus éclairés ; ils exposent à dessein leurs serviteurs à certaines séductions pour reconnaître jusqu’où va l’usage, où s’arrêtent la force et la tempérance. Mille fois plus digne de louanges le serviteur qui renonce aux jouissances les plus légitimes, toujours en garde, même contre l’indulgence du maître. L’Apôtre l’a dit : « Tout est permis, mais tout n’est pas expédient. » On est mieux protégé contre les choses défendues quand on s’interdit celles qui sont permises.

XI. Mais enfin où sont vos motifs pour étaler cette orgueilleuse magnificence, vous qui vivez loin des nécessités qui en sont l’excuse ? Les temples des idoles ? Vous ne les fréquentez pas. Les spectacles profanes ? Ils vous sont étrangers. Les solennités des Gentils ? Vous ne les connaissez