Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 3.djvu/538

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changea de sentiment, et distingua les enfers du sein d’Abraham, et le sein d’Abraham du paradis. Il mettait les ames des méchants dans le premier de ces lieux ; le second, qu’il dit être une région plus sublime que les enfers, mais différente du ciel, était pour les ames des saints, soit Juifs, soit Gentils, qui y attendaient la résurrection. Les martyrs étaient reçus dans le paradis, et y jouissaient de Dieu. Il paraît même y avoir donné place indistinctement aux esprits des saints. Tertullien représentait le paradis comme un lieu d’une beauté divine, séparé de la connaissance de notre monde par la zone de feu, ainsi que par une muraille. Il donna aussi dans l’opinion des Millénaires, l’entendant, toutefois, d’une manière spirituelle. Il semble que ce soit pour l’autoriser qu’il rapporte un prodige arrivé en Judée, dans la guerre d’Orient, vers l’an 198. On vit alors, pendant quarante jours,comme une ville suspendue en l’air, avec toutes ses murailles, et qui ne paraissant que le matin, s’évanouissait à mesure que la lumière du jour s’augmentait. Il a cru encore que le baptême des hérétiques était nul, et semble dire que l’Église pouvait résider en deux ou trois laïques. Nous ne dirons rien ici de certaines expressions trop fortes échappées à Tertullien dans quelques-uns de ses traités, composés lorsqu’il était encore catholique. Nous les avons remarquées, lorsqu’il nous a paru nécessaire. Mais nous ne pouvons dissimuler les erreurs dans lesquelles il tomba depuis qu’il eut fait schisme avec l’Église. On sait la facilité avec laquelle il reçut dès-lors comme des oracles du Saint-Esprit les écrits et les imaginations de trois fanatiques possédés du démon, je veux dire de Montan, de Prisca et de Maximilla. Ce sont ces prétendues révélations dont il parle si souvent et avec tant d’estime dans ses écrits, en particulier dans ses livres contre Marcion, où il dit que le Paraclet a mis des bornes au mariage et en a prescrit l’unité, et dans celui de la Monogamie, dans lequel, sur la fausse persuasion que le Paraclet avait amené une plus grande perfection que les Apôtres,