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autour d’un nom

plan ; depuis qu’on a morcelé le parc et qu’on a ajouté une nouvelle construction, je ne retrouve plus mes souvenirs à leur place, et j’éprouve un malaise que j’aime mieux éviter. Je me trouvais là au moment de la démolition de l’aile en question, et à voir tout ce plâtras jonché sur le sol, et les fleurs que j’aimais, foulées outrageusement par des décombres, j’eus l’impression que je marchais sur les débris de mon cœur d’enfant. Aujourd’hui, d’autres fleurs poussent là où j’avais planté des rosiers. La tonnelle, tu t’en souviens, où nous respirions le frais après nos courses échevelées, a été remplacée par un garage ; l’odeur des lilas par celui de l’essence.

Si les choses qui se coupent à même ce qui appartint à d’autres, attendaient, au moins que ceux-ci fussent disparus pour s’adapter à de nouvelles tailles, que de serrements de cœur seraient évités ! mais la vie nous pousse et, dans notre hâte d’agir, on ne fait pas d’examen rétrospectif dans le but de s’assurer si ce qui fut hier s’offensera de ce que va être aujourd’hui, et, ainsi, de nouveaux venus, pendant que nous sommes encore là, marchent sur notre passé. Ils installent leurs voitures et leurs bidons à gazoline à l’endroit où se lisaient Lamartine et Victor Hugo, et tu t’étonnes de ce que je n’aille plus à St-Bruno ?