Page:Thackeray - La Foire aux Vanites 2.djvu/172

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toujours prête, et ne manque ni de finesse dans la raillerie ni d’à-propos dans le trait. La solitude et le délaissement paraissent plus pénibles et plus cruels encore par le spectacle de ce monde de flatteurs qui se presse autour d’une rivale.

À la campagne, lorsque lady Jane racontait des histoires aux enfants accoudés sur ses genoux, y compris le petit Rawdon qui avait pour elle une grande affection, Becky n’avait qu’à entrer dans la chambre avec son sourire satanique et son coup d’œil méprisant, pour que la verve conteuse de la pauvre lady Jane se trouvât aussitôt tarie. Toutes ses candides et naïves idées se dispersaient alors sous une impression de crainte, comme ces jolies fées des livres de l’enfance s’enfuient à l’approche d’un mauvais génie. Il lui était impossible d’aller plus loin en dépit des exhortations de Rebecca, qui, d’un ton moqueur, l’engageait à continuer sa délicieuse histoire. Les douces pensées, les joies pures et simples étaient insupportables à mistress Becky et antipathiques à son humeur. Elle détestait les gens qui y trouvaient leur plaisir ; elle n’avait que dédain pour l’enfance et ceux qui aiment l’enfance.

« C’est bon pour ceux que cela amuse, de faire des contes bleus aux enfants, disait-elle à lord Steyne en caricaturant lady Jane au milieu de son cercle de bambins ; mais je ne puis souffrir cet étalage de sensiblerie maternelle.

— Pas plus que le diable n’aime l’eau bénite, répondit le noble lord avec une grimace, qui, sur sa figure, était l’expression du rire. »

Aussi ces deux dames ne cherchaient pas beaucoup à se voir, si ce n’était quand la femme du frère cadet avait à mettre à contribution celle du frère aîné. Elles ne se voyaient jamais sans se dire mon amour et mon cœur, mais elles s’évitaient le plus possible. Quant à sir Pitt, à travers les occupations qui le surchargeaient, il savait encore trouver quelques instants dans la journée pour se rencontrer avec sa belle-sœur.

Avant de se rendre à l’un de ses premiers dîners officiels, il s’était arrangé de manière à se faire voir à sa belle-sœur sous l’uniforme et avec les insignes diplomatiques qu’il portait à la légation de Poupernicle.

Becky trouva que son costume lui allait à merveille et l’admira presque autant que sa femme et ses enfants, auxquels il avait donné une représentation particulière. Il était une fois de