Page:Thackeray - La Foire aux Vanites 2.djvu/294

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au petit-fils quel avait été pendant le jour le sujet de ses lectures. Il prenait le plus vif intérêt aux détails qu’il recevait du petit bonhomme sur ses études ; il voulait à toute force paraître au courant de toutes les questions d’enseignement, et commettait des énormités qui attestaient assez son ignorance en ces matières et n’ajoutaient pas beaucoup au respect que l’enfant avait pour son aïeul. Avec sa petite pénétration, et grâce à l’éducation qu’il recevait, le bambin ne tarda pas à s’apercevoir que son grand-père n’était qu’un âne et un sot, et, en conséquence, il le soumit à toutes ses volontés et ne le tint pas en grande estime, car, tout humble et toute modeste qu’avait été l’éducation première de Georgy, elle avait plus fait pour lui donner la suffisance de soi-même et le mépris des autres que n’y contribuaient les rêves et les projets de son grand-père. N’avait-il pas été élevé par une douce et tendre femme dont tout l’orgueil se résumait en lui, et dont la vie était un sacrifice à l’humeur égoïste, aux petites volontés de son fils ?

Georgy avait déjà conquis tout pouvoir sur cette nature douce et soumise, et il lui fut encore plus facile de gouverner l’épaisse suffisance d’un parvenu dont la vanité n’avait d’égale que la bêtise. L’enfant comprit bien vite que là aussi il pouvait régner en petit despote. Car, fût-il né sur le trône, la flatterie n’aurait pas mis plus d’empressement à combler ses instincts présomptueux.

Tandis que sa mère passait les longues heures du jour en proie à un amer chagrin et soupirait dans la triste solitude des nuits sur l’absence de son fils, le bambin, au milieu des plaisirs et des distractions qu’on lui prodiguait, ne se sentait pas autrement privé de la présence de sa mère. Si vous avez vu des enfants pleurer pour se rendre à l’école, n’attribuez point cette sensibilité à un motif de tendresse et d’affection ; s’ils pleurent, c’est qu’ils voient devant eux l’ennui de la classe et du travail.

Ainsi donc maître George s’enivrait du luxe et de l’opulence dont l’entouraient à plaisir l’orgueil et les écus du vieil Osborne. Ce dernier avait donné l’ordre à son cocher d’acheter pour le bambin le plus joli poney qu’il trouverait, sans regarder à l’argent. George apprit d’abord à monter à cheval, puis, lorsqu’il se fut bien affermi sur ses étriers et qu’il sauta la barre sans broncher, il alla caracoler dans Regent’s-Park, dans Hyde-Park,