Page:Thackeray - La Foire aux Vanites 2.djvu/309

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un seul but, qui était de répandre encore le bonheur et la joie sur les dernières années de son père. Elle se dévoua à son service, et se mit à travailler, à coudre auprès de lui, à chanter, à faire sa partie de tric-trac pour le distraire, à lire le journal, à préparer des plats de son goût, à le mener à sa promenade de Kensington-Gardens.

Elle écoutait ses histoires avec un sourire de complaisance, un plaisir simulé ; ou bien, assise à ses côtés, elle se laissait aller à ses pensées, à ses souvenirs, tandis que le pauvre infirme se réchauffait au soleil et se livrait à ses plaintes et à ses récriminations. Triste existence pour la pauvre veuve ! Les enfants qui couraient et jouaient dans les allées du jardin lui rappelaient George qu’on lui avait enlevé. L’autre George aussi lui avait été enlevé !… Dans ces deux occasions, son amour égoïste et coupable avait reçu un rude châtiment ; elle faisait tous ses efforts pour se persuader qu’elle subissait une punition méritée, qu’elle était une malheureuse pécheresse, et ainsi s’expliquait pour elle l’isolement où elle se trouvait.

Après la mort de sa femme, le vieux Sedley s’attacha de plus en plus à sa fille, et en cela du moins Amélia trouva un adoucissement dans ce qu’il y avait de pénible à accomplir ses devoirs.

Mais depuis assez longtemps ces deux personnages sont plongés dans une triste condition ; de meilleurs jours vont luire enfin pour eux, jours de bonheur à la guise du monde. Le lecteur aura sans doute déjà deviné quel était le gros et gras personnage qui était allé trouver Georgy à son école, en compagnie de notre vieil ami le major Dobbin. C’était une de nos vieilles connaissances dont le retour en Angleterre allait ramener le bien-être dans l’honnête famille dont nous avons suivi les vicissitudes.

Le major Dobbin avait facilement obtenu un congé de son brave commandant, et de la sorte avait pu immédiatement se rendre à Madras, d’où il devait s’embarquer pour l’Europe, où l’appelaient les affaires les plus urgentes. Il voyagea jour et nuit jusqu’à sa destination. Aussi, il arriva à Madras en proie à une fièvre dévorante. Les domestiques qui l’accompagnaient le transportèrent dans un état fort alarmant chez un de ses amis, dans la maison duquel il devait demeurer jusqu’au moment de son embarquement pour l’Europe, et pendant plusieurs jours,