Page:Thackeray - La Foire aux vanites 1.djvu/199

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

obtenu son pardon en un clin d’œil. Mais ce coup de fortune fut refusé à nos jeunes gens, sans doute pour le plus grand bonheur de cette histoire. Nombre d’aventures merveilleuses auxquelles ils vont se trouver mêlés, les auraient laissés bien tranquilles au coin de leur feu, sous un toit confortable, avec l’intervention dès le début du pardon consolant, mais peu dramatique de miss Crawley.

Dans la maison de Park-Lane se trouvait, sous les ordres de mistress Firkin, une jeune servante de l’Hampshire, qui, entre autres fonctions, avait celle de frapper tous les matins à la porte de miss Sharp avec la cruche d’eau chaude que Firkin ne lui aurait pas portée elle-même, eût-il dû lui en coûter la tête. Cette fille avait été élevée autrefois aux frais de la famille ; elle avait un frère dans la compagnie du capitaine Crawley, et, sans blesser la vérité, on pouvait affirmer qu’elle était instruite de certains arrangements qui entrent pour beaucoup dans les combinaisons de cette histoire. Toujours on ne pourra nous contester qu’elle avait acheté un châle jaune, une paire de bottines vertes, un chapeau bleu clair ombragé d’une plume rouge, avec trois guinées provenant de Rebecca. Comme avec miss Sharp l’argent était toujours placé à intérêt, c’était sans doute les services de Betty Martin qui lui avaient valu cette largesse toute royale.

Le surlendemain des propositions de sir Pitt Crawley à miss Sharp, le soleil se leva comme à son ordinaire, et à son ordinaire aussi Betty Martin, chargée du service de l’étage supérieur, frappa à la porte de la chambre à coucher de la gouvernante.

Point de réponse. Nouveau coup à la porte : même silence. Sa cruche d’eau chaude à la main, elle ouvrit et entra dans la chambre.

La petite couchette, bien blanche, était aussi en ordre et aussi peu froissée que la veille, après que Betty avait aidé Rebecca à faire le lit. Dans un coin de la chambre se trouvaient deux petites malles ficelées, et sur la table, devant la fenêtre, piquée à la pelote, bien grosse et bien grasse, quoique doublée de satin rose, une lettre attirait les regards ; il est probable qu’elle avait passé là toute la nuit.

Betty se dirigea de ce côté sur la pointe du pied comme si elle eût craint de la faire envoler, jeta autour d’elle un coup