terdash, dont le cheval s’était abattu ; à Bob Martingale, surpris dans une maison de jeu ; à Tom Cinq-Bars, qui devait courir dans un steeple-chase. Rawdon rentrait-il à la maison, il trouvait Rebecca toujours vive et joyeuse ; voulait-il sortir, elle ne le retenait jamais ; restait-il au logis, elle jouait du piano, chantait pour lui plaire, faisait des sirops qu’il aimait fort, veillait à son dîner, chauffait ses pantoufles et inondait son âme de mille sons empressés. Une femme, suivant ma grand’mère, ne peut être bonne si elle n’est hypocrite. Nous ne savons jamais tout ce que l’autre sexe nous dissimule ; quelle adresse et quels artifices se cachent sous ce masque de franchise et de confiance ; combien de manœuvres sont mises en jeu pour nous plaire, nous tromper, nous désarmer à l’aide de ces sourires en apparence si ouverts. Je ne parle point ici des grandes coquettes, mais de ces modèles domestiques, de ces prodiges de vertu féminine. On voit tous les jours des femmes couvrir avec habileté les sottises d’un mari imbécile, ou apaiser les transports d’un furibond. Une bonne ménagère commencera toujours par être une excellente diplomate.
Ces prévenances avaient métamorphosé Rawdon Crawley ; de vétéran de la débauche il était devenu mari très-soumis et très-heureux. Il était complétement brouillé avec ses anciennes habitudes. À son club, on avait demandé une ou deux fois ce qu’il devenait, puis on avait fini par ne plus s’apercevoir de son absence. Pour lui, ses soirées au coin du feu, avec une femme joyeuse et souriante, une table bien servie, avaient tout le mérite de la nouveauté et du mystère. Il avait eu soin de faire son mariage sans l’annoncer dans le Morning-Post ; autrement il eût été assailli des réclamations étourdissantes de ses créanciers, s’ils avaient su qu’il avait épousé une femme sans fortune.
« Je ne crains point les reproches de mes parents, » disait Becky en riant du bout des lèvres.
Elle était résolue à ne point faire connaître au monde le nouveau rang qu’elle y prenait, tant qu’il n’y aurait pas eu réconciliation avec la vieille tante. Elle vivait ainsi à Brompton sans voir personne, si ce n’est les amis de son mari, admis à l’intimité du petit couvert. Elle les enchantait tous dans ces dîners en petit comité : une conversation pleine d’entrain, puis les jouissances de la musique, charmaient les privilégiés qui