du capitaine, une réponse qui me donna un violent désir de revoir mon pays, et une mélancolie que je ne puis décrire. Il y avait cinq ans que je n’avais vu de l’écriture de la chère âme. Les jours d’autrefois, et le frais et heureux soleil de mes vieux champs verts d’Irlande, et son amour, et mon oncle, et Phil Purcel, et tout ce que j’avais fait et pensé, tout cela me revint à l’esprit en lisant cette lettre, et, quand je fus seul, je pleurai dessus comme je n’avais pas fait depuis le jour où Nora s’était jouée de moi. Je pris soin de ne pas laisser voir mon émotion au régiment ou à mon capitaine ; mais, ce soir-là, où je devais prendre le thé au jardin public, hors la porte de Brandebourg, avec Fraülein Lottchen (la dame de compagnie de la Tabaks Räthinn), je n’eus pas le courage d’y aller. Je m’excusai et allai me coucher de bonne heure à la caserne, où j’allais et venais maintenant à peu près comme il me plaisait, et je passai une longue nuit à pleurer et à penser à la chère Irlande.
Le lendemain, mes esprits se relevèrent ; je fis escompter un billet de dix guinées, que ma mère m’avait envoyé dans sa lettre, et je régalai magnifiquement quelques personnes de ma connaissance. La lettre de la pauvre âme était toute tachée de larmes, pleine de citations de la Bible, écrite avec le plus grand désordre d’idées. Elle disait qu’elle était ravie de penser que je servais sous un prince protestant, quoiqu’elle craignît bien qu’il ne fût pas dans la bonne voie. Cette bonne voie, disait-elle, elle avait eu le bonheur de la trouver sous la direction du révérend Joshua Jowls, dont elle suivait l’Église. Elle disait que c’était un précieux vase d’élection, un suave onguent et une précieuse boîte de nard, et elle faisait usage d’un grand nombre d’autres phrases que je ne pouvais pas comprendre ; mais ce qui était clair, au milieu de tout ce jargon, c’est que la bonne âme aimait toujours son fils, et priait jour et nuit pour son écervelé de Redmond. N’est-il pas venu tout d’un coup à l’esprit de maint pauvre diable, pendant une faction solitaire ou dans le chagrin, la maladie ou la captivité, qu’à cet instant même, bien probablement, sa mère priait pour lui ? J’ai eu souvent de ces pensées ; mais elles ne sont pas des plus gaies, et il est tout aussi bien qu’elles ne vous viennent pas en compagnie : car que deviendrait alors une réunion de bons vivants ? Ils seraient aussi muets que des croque-morts à un enterrement, je vous le promets. Je bus rasade à la santé de ma mère ce soir-là, et vécus en gentilhomme tant que dura l’argent. Elle s’était bien gênée pour me l’envoyer, à ce qu’elle m’apprit plus tard ; et M. Jowls était très-courroucé contre elle.