Je passe rapidement à dessein sur le récit de cette partie de ma vie où les incidents sont pénibles, sans grand intérêt, excepté pour votre infortuné serviteur, et où mes compagnons n’étaient assurément pas d’une espèce qui convînt à ma qualité. Le fait est qu’un jeune homme pouvait difficilement tomber dans des mains pires que celles où je me trouvais. J’ai été depuis dans le Donegal, et je n’ai jamais vu le fameux château de Fitzsimonsburgh, qui est également inconnu aux plus anciens habitants de ce comté ; et les Granby Somerset ne sont guère mieux connus dans le Hampshire. Le couple aux mains de qui j’étais tombé était d’une espèce beaucoup plus commune qu’elle ne l’est aujourd’hui, car les guerres considérables des derniers temps ont rendu fort difficile aux laquais et aux parasites des grands seigneurs de se procurer des commissions ; et telle avait été, par le fait, dans le principe, la condition du capitaine Fitzsimons. Si j’eusse connu son origine, comme de raison, je serais plutôt mort que de frayer avec lui ; mais, dans la simplicité de ma jeunesse, je pris ses histoires pour argent comptant, et me regardai comme trop heureux d’être, à mon début dans la vie, introduit dans une telle famille. Hélas ! nous sommes le jouet de la destinée. Quand je considère quelles petites circonstances ont décidé tous les grands événements de ma vie, j’ai peine à croire que j’aie été autre chose qu’un pantin aux mains du sort, qui m’a joué les tours les plus fantasques.
Le capitaine avait été valet de chambre, et sa femme n’était pas d’un rang plus élevé. La société que voyait ce digne couple, il la voyait à une espèce de table d’hôte qu’il tenait, et où ses amis étaient toujours les bienvenus en payant pour leur dîner une certaine somme assez modeste. Après le dîner, vous pouvez être sûr que les cartes ne manquaient pas, et que la compagnie qui jouait là ne jouait pas simplement pour l’honneur. Des gens de toute sorte venaient à ces soirées : de jeunes élégants des régiments en garnison à Dublin ; de jeunes commis du Château ; des hommes à la mode, grands monteurs de chevaux, grands videurs de flacons, grands rosseurs de watchmen, tels qu’il en existait alors à Dublin plus qu’en aucune autre ville d’Europe, à ma connaissance. Je n’ai jamais vu de jeunes gens faire une telle figure, et avec si peu de moyens. Je n’ai jamais vu de jeunes gens pousser à tel point ce que je puis appeler le génie de l’oisiveté ; et tandis qu’un Anglais, avec cinquante guinées par an, n’est guère capable que de crever de faim et de travailler comme un esclave à une profession, un jeune mirliflor irlandais, avec la même somme, aura ses chevaux, boira sa bouteille