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Page:Thackeray - Mémoires de Barry Lyndon.djvu/70

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Minden, sans quoi il aurait pu se gagner là une des plus grandes victoires des temps modernes.

Se jetant entre les Français et l’intérieur de l’Électorat, le prince Ferdinand prit sagement possession de la ville libre de Brême, dont il fit son dépôt d’approvisionnements et sa place d’armes, et autour de laquelle il rassembla toutes ses troupes, s’apprêtant à livrer la fameuse bataille de Minden.

Si ces mémoires n’étaient pas caractérisés par leur véracité, et si je daignais prononcer une seule parole qui ne fût pas revêtue par ma propre expérience personnelle de la plus haute autorité, j’aurais pu aisément me faire le héros de quelques étranges et populaires aventures, et, à l’exemple des auteurs de romans, introduire mes lecteurs auprès des grands personnages de cette remarquable époque. Ces gens-là (je parle des romanciers), s’ils prennent un tambour ou un laquais pour leur héros, trouvent moyen de le mettre en contact avec les plus grands seigneurs et les plus grandes notoriétés de l’empire, et je garantis bien qu’il n’en est pas un seul qui, en décrivant la bataille de Minden, n’eût fait comparaître le prince Ferdinand, et milord Georges Sackville, et milord Granby. Il m’eût été facile de dire que j’étais présent quand l’ordre fut donné à lord Georges de charger avec la cavalerie et d’achever la déroute des Français, et lorsqu’il refusa de le faire et gâta par là cette grande victoire. Mais le fait est que j’étais à deux milles de la cavalerie quand eut lieu la fatale hésitation de Sa Seigneurie, et qu’aucun de nous autres, soldats de la ligne, ne sut ce qui s’était passé que lorsque nous en vînmes à causer du combat, le soir auprès de nos chaudrons, et à nous reposer après les labeurs d’une rude journée. Je ne vis, ce jour-là, personne d’un grade plus élevé que mon colonel et une couple d’officiers d’ordonnance passant à cheval dans la fumée, — personne de notre côté, c’est-à-dire. Un pauvre caporal (j’avais alors ce déshonneur) n’est pas généralement invité dans la compagnie des chefs et des grands personnages ; mais en revanche je vis, je vous le promets, fort bonne compagnie du côté des Français, car leurs régiments de Lorraine et de Royale-Cravate nous chargèrent tout le jour ; et dans cette sorte de mêlée, tous les rangs sont assez également bien reçus. Je déteste la forfanterie, mais je ne puis m’empêcher de dire que je fis connaissance de très-près avec le colonel des Cravates, car je lui passai ma baïonnette au travers du corps, et expédiai un pauvre petit enseigne, si jeune, si mince, si fluet, que j’aurais pu le dépêcher d’un coup de ma queue, je crois, au lieu de la crosse de mon mousquet