Page:Theatre de Tristan Bernard 1.djvu/31

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Regent Street. (Silence. À lui-même.) Ce qu’ils m’engueulent ! (Il raccroche le récepteur. À lui-même.) Zut ! C’est fini ! S’ils croient que je vais me laisser engueuler comme ça pendant une heure !

LA CAISSIÈRE.

Il faut que ce soit des gens chic. Il paraît que pour téléphoner de Londres, ça coûte dix francs les trois minutes.

EUGÈNE.

Dix francs les trois minutes, combien que ça fait de l’heure ?

LA CAISSIÈRE, après avoir réfléchi.

Ça fait deux cents francs l’heure.

Elle sort.
EUGÈNE.

Je viens d’être engueulé à deux cents francs l’heure… J’avais déjà été engueulé dans ma vie, mais jamais à ce tarif-là… Comme c’est utile tout de même de savoir les langues ! Voilà qui démontre, plus victorieusement que n’importe quel argument, la nécessité de savoir l’anglais. Je voudrais avoir ici tous mes concitoyens et particulièrement les interprètes, et les adjurer d’apprendre les langues ! Au lieu de nous laisser moisir sur les bancs du lycée, à apprendre le latin, une langue morte, est-ce que nos parents ne feraient pas mieux… Je ne parle pas pour moi, car je n’ai jamais appris le latin… Allons, espérons que ça va bien se passer tout de même !

Il s’est accoudé au comptoir et regarde vers la gauche. Hogson arrive par le fond à droite. Il va poser sa valise et son plaid sur une chaise, à gauche de la table de droite. Il s’approche ensuite d’Eugène qui ne l’a pas vu et continue à lui tourner le dos.