Page:Theodore Pavie - Histoire des trois royaumes vol 2, Duprat, 1851.djvu/167

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il leur rendit toutes leurs troupes (qui avaient capitulé) et lui-même, il les accompagna jusqu’aux portes de la ville.

À peine les deux captifs, redevenus libres, avaient-ils fait quelques milles, qu’ils entendirent un grand bruit de tambours ; c’était Tchang-Fey ; il leur barrait la route en criant : « Mon frère aîné ne sait en vérité ce qu’il fait ! Est-il juste de relâcher des brigands qu’on a sous sa main ? » Les deux généraux épouvantés tremblaient sur leurs chevaux ; Tchang-Fey fronçant le sourcil, brandissait sa pique ; mais derrière lui quelqu’un cria : « Y-Té [1], il le faut, cède à la justice ! » Tchang-Fey se retourne et reconnaît son frère d’armes Yun-Tchang ; les deux chefs en le voyant se sentirent renaître.

« Puisque notre frère aîné vient de relâcher ces deux captifs, dit Yun-Tchang, pourquoi ne respectes-tu pas ses ordres ? — Il les a relâchés, reprit Tchang-Fey, et bien ils reviendront en armes ! — S’ils reparaissent ainsi, répliqua Yun-Tchang, cette fois, tu pourras les tuer sans examen ! — Non, dirent les deux officiers en protestant de leurs bonnes intentions, quand son excellence nous menacerait de la mort, nous et nos familles, nous ne marcherions plus contre vous ! Calmez-vous, général, de grâce !.... — Si Tsao lui-même s’avance de ce côté, ajouta Tchang-Fey grommelant encore, je massacrerai tout le monde ; personne n’échappera. Pour cette fois, gardez donc vos têtes sur vos épaules [2]. »

Et il s’en revint avec Yun-Tchang. Celui-ci déclara à Hiuen-Té qu’il regardait comme certaine l’arrivée de Tsao. De son côté aussi, Sun-Kien, ne croyant pas le district de Su-Tchéou capable de résister à une longue attaque, proposa de diviser l’armée et d’occuper à la fois Siao-Pey et Hia-Py, pour faire face à l’ennemi sur deux points et arrêter la marche de Tsao. Ce plan fut adopté par Hiuen-Té ; dans la première de ces deux villes,

  1. C’était son petit nom ; il est employé ici pour indiquer de la part de l’interlocuteur un sentiment affectueux.
  2. Dans ce chapitre, l’auteur chinois fait ressortir clairement le caractère éminemment loyal de Hiuen-Té, qui est son héros, les qualités intellectuelles et le courage extraordinaire de Yun-Tchang, et enfin la grossière bravoure de Tchang-Fey, qui ne comprend rien aux sentiments élevés de son maître.