Page:Theodore Pavie - Histoire des trois royaumes vol 2, Duprat, 1851.djvu/175

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point les conseils des hommes probes ; vos oreilles ne sont pas pures ! Vous ne savez pas à fond les lois, les rites des anciens ; toute votre personne est souillée et votre esprit l’est aussi, car vous ne pouvez souffrir que des seigneurs jouissent de leur pouvoir dans l’Empire ; votre cœur est immonde, car votre constant désir est de détrôner le souverain pour vous mettre à sa place ! Moi, je suis un sage renommé sur la terre, et vous m’employez à frapper un tambour ! Comme jadis Yong-Hou méditait de faire périr Kong-Fou-Tsé, comme jadis Tsang-Tsang calomniait Meng-Tsé pour le perdre, de même dans l’intention d’usurper le titre de roi et de chef des vassaux, vous déshonorez les égaux de ces grands personnages. En vérité, vous êtes au niveau de la brute ! »

Les serviteurs, à ces mots, allaient massacrer Ni-Hang ; Tsao les arrêta et dit en souriant : « Tuer cet homme, ce serait tuer un moineau babillard, une souris, et rien de plus. » — Puis s’adressant au philosophe : « Je vous envoie en qualité d’ambassadeur près de Liéou-Piao, afin que vous l’engagiez à se soumettre, et je vous donne le rang de mandarin de première classe. » Ni-Hang ne voulut accepter ni la mission ni le grade ; Tsao fit venir trois chevaux, et ordonna à deux hommes de l’emmener.

Cependant, Tsao avait invité ses plus intimes parmi les mandarins civils et militaires, à un repas préparé hors de la porte orientale ; ceux-ci l’ayant reconduit jusqu’au palais pour donner plus d’éclat à son autorité, Sun-Yo (le plus courtisan de tous) s’entendit avec ses collègues pour ne point se lever devant Ni-Hang quand il paraîtrait. Ainsi firent-ils, et le philosophe éclata en sanglots de telle sorte que Sun-Yo demanda pourquoi ces signes de chagrin dans une si joyeuse occurrence ? « Hélas, répondit-il, je suis tombé au milieu de sépulcres (vivants), et je gémis ! »

« Si nous sommes des morts, répliquèrent les courtisans, toi, tu es l’esprit malfaisant d’un corps sans tête [1] ! — Moi, interrompit

  1. C’est-à-dire l’âme errante et mauvaise d’un criminel décapité dans une existence antérieure.