Page:Theodore Pavie - Histoire des trois royaumes vol 2, Duprat, 1851.djvu/184

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

cas, c’est le fils qui est chargé de ce soin. Vous qui êtes un de mes familiers les plus intimes, pourquoi ne tâtez-vous pas de ce breuvage avant de me l’offrir ? Si vous ne le faites pas, c’est que sans nul doute la potion est empoisonnée ? »

Le médecin, comprenant qu’il était trahi, se lève, fait un pas en avant, saisit l’oreille de Tsao (pour le forcer d’ouvrir la bouche) et d’avaler la liqueur mortelle ; mais celui-ci renverse le vase, et le poison, en se répandant sur les dalles de faïence qui pavent l’appartement, les font fendre à l’instant [1].

Avant que Tsao eut prononcé un seul mot, ses gardes avaient arrêté le médecin et il s’écria lui-même en riant : « Cette maladie, c’était une ruse pour l’éprouver ! » Une vingtaine de sicaires entraînent le coupable dans le jardin situé au fond du palais. Le ministre s’assied dans la galerie ; on amène le médecin garrotté ; on le frappe pour le forcer à faire des aveux. Mais son visage impassible ne trahit pas la plus légère frayeur.

« Ah ! s’écria Tsao avec un sourire, toi, médecin, toi qui n’as d’appui que mon patronage, tu as osé tenter de m’empoisonner ! Certainement quelqu’un t’a poussé à cette action ! Nomme tes complices, et je te fais grâce. — Tu te joues de l’Empereur, répliqua le patient d’un ton de mépris, tu cherches à perdre les grands ! Dans l’Empire, brigand, il n’est personne qui ne désire ta mort ; je ne suis pas le seul. »

Tsao lui fit appliquer trois fois la même torture, mais le patient reprit avec colère : « J’ai voulu te tuer ! Parce que je suis sous ton patronage, tu veux croire que quelqu’un m’a lancé contre toi ; non ! Que je meure, et que tout soit fini ! » Dans sa fureur, Tsao le fit battre jusqu’à ce que la peau fut déchirée, la chair mise en lambeaux ; mais il ne put arracher une parole à Ky-Ping, bien que son sang inondât le sol. Puis craignant de le voir expirer sans obtenir de lui un mot de réponse, il ordonna aux geôliers de le jeter dans un cachot.

Le lendemain, Tsao prépare dans le palais un banquet splendide,

  1. Ce sens peut-être hasardé et qui nous laisse quelques scrupules, est tiré du texte moins concis de l’édition in-18. Le mandchou dit : Angga te houngherere te, comme il (le lui) versait dans la bouche.