Page:Theodore Pavie - Histoire des trois royaumes vol 2, Duprat, 1851.djvu/20

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui nous menace. » Plein de joie, Youen-Chu chargea aussitôt Han-Yn d’aller porter à Liu-Pou une lettre ainsi conçue :

« Jadis Tong-Tcho, en suscitant des troubles dans l’Empire, causait la ruine de la dynastie ; moi, Youen-Chu, je me trouvai, ainsi que ma famille, enveloppé dans ces calamités publiques. Je levai des troupes à l’est des Passages, mais je n’avais pu me venger encore du tyran, que déjà vous, général, vous lui aviez fait expier ses crimes ; vous présentiez sa tête aux mandarins assemblés[1] ! En vous chargeant ainsi de laver mon propre affront, général, vous m’avez permis de relever la tête au milieu des hommes de mon siècle, de vivre et de mourir sans honte. C’est là le premier de vos mérites.

» Autrefois Ky-Chang, arrivé devant Yen-Tchéou, menaçait la ville de Fong-Pou ; le premier ministre Tsao-Tsao, rebelle à son prince, fut arrêté au milieu de ses succès et faillit périr. Alors aussi vous vous emparâtes de la province de Yen-Tchéou[2], et je pus enfin voir l’horizon libre autour de moi. C’est là le second de vos mérites.

» Je verrais donc enfin devant moi un avenir tranquille, si je n’avais appris qu’il existe sur la terre un certain Liéou-Hiuen-Té, lequel a levé des troupes dans le dessein de causer ma ruine ; je compte sur votre valeur indomptable, général, pour triompher de cet ennemi ; ce sera là le troisième de vos mérites, le troisième service que vous m’aurez rendu. Je ne suis pas grand’chose par moi-même, mais en reconnaissance, je me donne à vous à la vie et à la mort. Après des années de guerre et de campagnes, votre armée se trouve sans doute à court de vivres ; dès aujourd’hui je vous envoie deux cent mille boisseaux de grain ; ils sont déjà en route ; ma gratitude ira plus loin encore : à mesure que vous en aurez besoin, je vous en expédierai de nouveau, ainsi que des armes et des équipements de guerre, si vous en manquez pour vos soldats. Quelle que soit, grande ou petite, la quantité

  1. Voir vol. Ier, page 153.
  2. Voir vol. Ier, page 199.