Page:Theodore Pavie - Histoire des trois royaumes vol 2, Duprat, 1851.djvu/355

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laissé un testament par lequel je suis désigné comme héritier de son trône ; mon frère Youen-Tan est élevé, par le même écrit, au rang de général d’une division, et comme les troupes du sud menacent nos frontières, je le prie de vouloir bien partir en avant-garde. Moi-même je le suivrai à la tête de l’autre corps d’armée pour agir de concert avec lui. »

« Dans notre corps, reprit le général, nous manquons de chefs capables de nous donner de bons avis ; pourriez-vous nous céder vos deux conseillers intimes, Chen-Pey et Fong-Ky ? — Mon intention, dit Youen-Chang, est de leur confier des emplois importants ! — En ce cas, mon maître ne se mettra pas en campagne sans inquiétude[1]. »

Sur cette réponse de Kouo-Tou, Youen-Chang fit appeler les deux mandarins, et leur demanda lequel des deux voulait se rendre dans le camp de son frère. Ils refusèrent l’un et l’autre d’accepter cette mission, si bien que Youen-Chang les fit tirer au sort. Le hasard désigna Fong-Ky ; il partit donc avec Kouo-Tou, muni du sceau que lui donna son jeune maître, et en qualité de lieutenant de la division qu’il allait rejoindre. Arrivé hors des murs, en compagnie de Kouo-Tou, le mandarin reconnaît que Youen-Tan n’est pas du tout malade, et l’inquiétude s’empare de son esprit. Cependant il lui remet le sceau de commandant d’une division, puis répondant à ses questions, il lui annonce : « qu’en vertu des dernières volontés de son père, Youen-Chang est en possession du pouvoir ; que lui, Youen-Tan, est nommé au commandement d’un corps de troupes, et qu’enfin, il est venu tout exprès pour lui en présenter le sceau, insigne de son grade. » Transporté de colère, Youen-Tan voulait faire décapiter Fong-Ky ; Kouo-Tou l’arrêta par ses remontrances : « Les ordres d’un père, lui dit-il, doivent en toute occasion être respectés ! »

  1. Kouo-Tou, comme le fait remarquer l’édition in-18, était un rusé mandarin. Il voulait priver Youen-Chang de ses deux bras ; seulement il oubliait que celui-ci n’était pas homme à éloigner de lui les deux fidèles serviteurs qui faisaient sa force. — La phrase suivante, un peu obscure dans le texte chinois-mandchou, est plus claire dans la petite édition ; la voici : « Eh bien, dit Kouo-Tou, sur les deux, cédez-nous-en un. Voulez-vous ? » Youen-Chang ne put refuser cette proposition, et il leur ordonna de tirer au sort.